Ce matin, le réveil a sonné aux aurores. Je lui aurais bien fracassé les ondes mais je me suis soudain rappelé que ce jour était béni.
D’un bond léger, j’ai donc sauté à terre, entonnant joyeusement un petit air entraînant, accompagné de quelques pas de danse non moins allègres.
J’ai repris avec enthousiasme les gestes oubliés depuis trop longtemps : La préparation du petit déjeuner !
J’ai mis du noir sur mes yeux, du rouge sur mes lèvres, j’ai passé une tenue sexy et suis allée réveiller mes gremlins avec toute la douceur maternelle qui me caractérise :
- - Debout là-dedans, c’est la rentrée, c’est la rentrée, tralalalalère !!!
Grande Gremlin m’a lancé un regard haineux, Gremlin Mâle a hurlé à la mort alors que Petite Gremlin a sautillé de joie :
- - La rentrée ! La rentrée ! Des devoirs ! Yes !
Je l’ai vite soustraite au fratricide qui la guettait, ai promptement fait sauter les toasts dans le grille-pain, servi le jus d’orange fraîchement pressé – c’est pas tous les jours la fête ! – en entamant la conversation avec mes assoiffés de savoir :
- - Alors ? C’est pas génial de reprendre l’école ?
- - Mpfff…
- - Apprendre des tas de nouvelles choses ?
- - Grrrr….
- - Revoir les copains ?
- - Mouais…
- - La cantine ?
- - Trop pas…
- - De toute façon, vous ne pouvez pas être en vacances en permanence…
- - Ben si…
- - Ouais, bon, allez, hop hop hop, brossage de dents et en avant !
J’étais si excitée à l’idée de les voir démarrer une nouvelle année pleine de cours de choses à découvrir que leur père m’a rattrapée par la ballerine en remarquant justement :
- - Il n’est que 7h20…
Assis en rangs d’oignons sur le canapé, ils m’ont fixé de leurs regards de mollusques prêts à frire, indifférents à au bonheur qui inondait la maisonnée.
- - Evidemment, toi t’es contente…marmonna Grande Gremlin.
- - Mais… répliquai-je, l’œil fixé sur la pendule.
- - T’es pas obligé de faire du français, toi ! renchérit Gremlin Mâle
- - C’est quoi du français ? questionna Petite Gremlin.
- - Voyons, protestai-je, bien sûr que je suis aussi triste que vous ! Tu parles ! Ne plus vous avoir avec moi, ne plus vous entendre demander ce qu’on mange quatre fois par jour, vous chamailler, hurler, vous plaindre, vous trimballer à droite à gauche, je vais mourir d’ennui !
- - C’est vrai ????
- - Bien sûr ! Croix de bois, croix de fer…
- - Si tu mens…
- - Ouais, ouais, t’inquiète… fis-je les orteils croisés. C’est l’heure là, non ?
Ils se sont levés lentement, ont chaussé leurs baskets neuves, hissés leurs gros cartables sur leurs frêles épaules et se sont avancés vers la porte d’entrée avec un regard implorant vers leur père :
- - Courage mes petits, les encouragea-t-il en rajustant sa cravate.
Je les ai conduits à l’école avec la désagréable impression de les mener à l’échafaud.
Je les ai confiés avec reconnaissance à leurs professeurs respectifs, tout en saluant avec empressement toutes mes copines qui m’avaient tant manquées et dont j’avais hâte de prendre quelques nouvelles.
Alors que je savourais à l’avance le goût d’un arabica dégusté en bonne compagnie, Grande Gremlin s’est avancée vers moi, et, l’air profondément inspiré, déclara :
- - Noir c’est noir…
- - Il n’y a plus d’espoir, complétai-je, fataliste.
Sans une parole supplémentaire, elle s’en fut partager ses états d’âme avec ses potines d’infortune…
Mon cœur s’est soudainement serré, prête à la prendre dans mes bras et à la ramener dans la chaleur protectrice de sa DS maison…
- - Un p’tit café les filles ?
Faisant fi de mes états d’âme, j’ai entamé avec entrain ma vie de femme et de mère d’enfants scolarisés.
Vive la rentrée !!
PS : Tout ceci n’est bien entendu que fiction, à l’heure où cet article paraîtra, la douce mélodie du réveil entamera à peine sa joyeuse litanie et les Gremlins leurs maussades complaintes !