Près des tentes du campement du Roi Arthur, Perceval – avant de s’y rendre – voit aux pieds de son cheval, « la neige, ( où s’était posée une oie sauvage blessée) , et le sang encore apparent. Et il s’appuie dessus sa lance afin de contempler l’aspect, du sang et de la neige ensemble. Cette fraîche couleur lui semble celle qui est sur le visage de son amie. Il oublie tout tant il y pense car c’est bien ainsi qu’il voyait sur le visage de sa mie, le vermeil posé sur le blanc comme les trois gouttes de sang qui sur la neige paraissaient. » Dans cet état de grâce, sans quitter des yeux les gouttes de sang, il combat et blesse deux vaillants chevaliers qui voulaient le tirer de là, vers le roi…
Cette histoire, je la rapprocherai volontiers de celle ci, transcrite par F. Midal :
« Au japon médiéval, un seigneur en charge de la région de Tosa, se rendait en visite officielle auprès du Shogun, et emmena avec lui son ‘maitre du thé’. La cérémonie du thé est effectuée au Japon selon un rituel précis, exécuté avec une immense attention et vigilance. On oublie le temps qui passe et cela rend chacun plus présent à son expérience. Pour être admis au palais, le maître du thé avait du revêtir la tenue des samouraïs et porter le sabre. Pendant plusieurs jours, il demeura auprès de son seigneur exerçant son art pour le plus grand bénéfice de tous. Il officia même en présence du Shogun. Un matin, n’ayant aucune tâche à accomplir, il décida de visiter la capitale. Alors qu’il traversait un pont, il bouscula par mégarde un guerrier errant, décidé, pour lever un tel affront, à en découdre avec lui. Désemparé, le maître du thé finit par avouer que , malgré son habit, il n’tait pas un véritable samouraï. Le guerrier se mit encore davantage en colère et menaça de déclarer publiquement qu’un samouraï de Tosa tait un lâche.
Voyant qu’il était impossible de faire entendre raison à cet homme, et craignant que sa conduite ne portât atteinte à l’honneur de son seigneur, le maître du thé se résigna à mourir. Il acceptât le principe d’un combat. Il lui demanda cependant de le différer de quelques heures, laps de temps durant lequel il se rendit dans une école de sabre. Il demanda à rencontrer le maître des lieux, le suppliant de lui apprendre à mourir dignement. Le maître fut surpris de cette requête ; on venait généralement le trouver pour apprendre à vaincre. Avant de lui dire quoi que ce soit, il le pria de lui servir une tasse de thé, puisqu’il était un maître en cet art. le visiteur ne se fit pas prier et, préparant la boisson, il oublia tout, exécutant chaque geste comme si rien d’autre n’avait d’importance à cet instant. Le maître du sabre en fut fortement impressionné. Il lui donna alors quelques conseils : « Après avoir salué poliment votre agresseur, remerciez-le pour le délai accordé. Pensez que vous allez servir du th à un ami. Pliez délicatement votre veste et déposez-là sur le sol. Relevez vos manches, annoncez à votre adversaire que vous êtes prêt pour le combat. Après avoir dégainé votre sabre, levez-le au-dessus de votre tête tout en fermant les yeux. Soyez complètement là, au summum de vos capacités pour abaisser votre arme juste au moment où vous entendrez votre adversaire pousser son cri d’attaque. ».
Le visiteur remercia le maître de sabre et il retourna sur le pont. Il se prépara au combat comme il lui avait été dit. Quand il leva son sabre et ferma les yeux, le visage de son adversaire changea d’expression. Il ne reconnaissait plus l’homme qu’il avait rencontré plus tôt. <celui-ci était animé d’une telle détermination, qu’il prit peur et s’enfuit sana demander son reste. …
Le sens de présence qu’avait manifesté le maître de thé peut contenir un impact stupéfiant …