Passé un long week-end avec F., qui va se marier et qui m’a demandé d’être son témoin. On est allé voir la Seine. On a bu un verre place de la Sorbonne. On a mangé comme des princes dans les brasseries. Grimpé la Tour Eiffel. Marché sur les Champs-Élysées. Assisté au dernier match du PSG depuis la tribune "Paris". Bu du champagne au Crazy Horse. Il m’a dit: "Moi, je préfère celle-ci." Je lui ai dit: "Moi, je préfère celle-là."
La veille, nous étions à l’Indiana Club et, de nouveau, je me suis surpris à m’étonner de l’entendre employer l’expression "ici" pour désigner, sans aucun doute possible, Lausanne au lieu de Paris, alors que, pour moi, "ici" = Paris. Pensé aux théoriciens du voyage et au cas particulier des séjours prolongés, lesquels entraînent avec le temps, et c’est ce qui fait une grande partie de leur intérêt, un renversement de perspective – renversement du rapport entre l’ici et l’ailleurs, le dedans et le dehors, le même et l’autre, etc., etc.
Avant hier, je l’ai raccompagné gare de Lyon. Le train est parti.
Je me suis remis en marche, lentement, remontant le quai. J’ai emprunté les escalators, vers le souterrain. J’approchais d’un nouvel escalator, pour descendre d’un niveau encore, vers le métro, quand deux hommes, surgis de la foule, peut-être un père et son fils, se sont approchés de moi et m’ont demandé, en mélangeant français, anglais et charabia, s’ils devaient descendre ou monter pour… sortir ou attraper leur train. Je n’ai pas compris. J'ai pensé seulement, très vite, qu'ils avaient un air transalpin. Il nous a fallu deux répliques avant que je réalise qu’ils n’arrivaient pas, mais qu’ils partaient. Bien qu’ils fussent apparemment très pressés et très inquiets, ces répliques ont suffi pour que le visage du père (je m’adressais au père) s’éclaire un instant et qu’il remarque, au vol: "Lei è Italiano, vero?"
J’ai eu le temps de dire "oui". Il souriait quand ses pas l’ont emporté.
par
Filippo