Noël

Publié le 04 septembre 2010 par Banalalban

Derrière moi, je repense à l'armoire ; j’y ai un jour scotché le Howl de Ginsberg (j'en avais arraché les pages) et puis un autre jour, pris d’une de ces colères incompréhensibles qui me submergent parfois et me caractérisent tant, j’ai brûlé les feuillets uns à uns avec un briquet, cramant par la même occasion le revêtement plastique du meuble. J’ai alors dû courir acheter des pans d’armoire amovibles chez Ikéa.

"_ Bonjour, je voudrais des pans d'armoire.

_ Monsieur, il faut acheter l'armoire.

_ Mais je ne désire que les pans.

_ Si vous désirez les pans de l'armoire, vous devez l'acquérir complète, c'est comme ça.

_ Mais pourquoi ? 

_ Parce que vous êtes chez Ikéa.

_ Et ?

_ Et que chez Ikéa c'est comme ça...

_ Mais...

_ C'EST COMME ÇA !!!"

Soit les petites diversions qui nous donnent de bonnes excuses pour ne pas écrire de chefs-d'œuvre... 


Il y a un temps pour tout, pour croire que l’on a du talent, que l’on est quelqu’un de bien et de recommandable, un temps pour aimer les auteurs maudits, adulés, controversés ou critiqués, croire que l’on en fait partie ou croire que l'on en fera un jour partie et un temps pour comprendre que l’on est ni plus ni moins qu’une grosse merde, un ersatz d'écrivaillon comme il en existe des milliers ou un ersatz de petit scribouillard sans talent de vingt ans _ qu'il n'y a aucune raison de croire quoi que ce soit _ de scotcher des pages du Howl de Ginsberg pour se donner de l'inspiration _ de vouloir boire comme un trou pour trouver matière comme Bukowski _ et de tomber amoureux d'une héroïnomane pour se la péter Fante. Non. Parce que parfois, il faut arrêter d'être con. Et d'avoir des modèles d'auteurs éculés et resucés. 

Parce que la vie, c'est comme chez Ikéa : C'EST COMME ÇA !!!


Il n’y plus de place pour les gens optimistes et talentueux, on les a envoyés ailleurs par fusées, sur une planète à des années-lumières d’ici. Là-bas, il s’en foutent pas mal de nous, ils s’empiffrent de crème glacée et de chantilly et jouent au badminton dans de jolies petites tenues de sport alors que nous, nous fourmillons en meutes, dépressifs, en clans qui ne parviennent à rien par manque d'utopie. Nous nous enfermons un peu plus dans notre petite routine sans tenir compte de la vie rêvée qu’ils ont eux, esprits libres. Je devrais peut-être écrire aussi là-dessus.

C’est ce que je fais.

Quoi que ce soir, y'a Joséphine , Ange Gardien.

"_ Avez-vous la référence de votre armoire ?

_ Quelle référence ?

_ Vous avez vu l'armoire en magasin ?

_ Oui.

_ Sur l'armoire en magasin, il y avait une étiquette ?

_ Oui.

_ Sur l'étiquette il y a avait le nom du modèle ?

_ Oui.

_ Le nom du modèle était suivi d'une série de chiffres ?

_ Oui.

_ Et bien cette série de chiffres c'était la référence, et sans la référence nous ne pouvons vous remettre l'armoire.

_ Mais pourquoi ?

_ Parce que vous êtes chez Ikéa.

_ Et ?

_ Et que chez Ikéa c'est comme ça...

_ Mais...

_ C'EST COMME ÇA !!!"