Carrefour vient d'inaugurer son nouveau concept Planet dans deux de ses magasins lyonnais. Je voudrais profiter de cette occasion pour analyser un des éléments essentiels de ce concept - qui va modifier en profondeur la notion même d'hypermarché: l'apparition de shops-in shop de marques.
Deux marques entrent en force: Apple avec un espace de vente Ipod et Mac et Virgin avec un espace culturel. Dans les deux cas Carrefour tire les conclusions de son relatif échec dans des catégories non-alimentaires essentielles. Je pourrais résumer le raisonnement en 5 points:
- Le développement futur des ventes en hypermarché passe par le non-alimentaire - des catégories qui ne sont pas le coeur-de-métier de la GMS.
- Ce sont là des catégories où les grandes surfaces spécialisées (Sephora en beauté / Dacathlon en sport / Leroy Merlin en bricolage...) se sont taillées des positions très fortes contre lesquelles les enseignes de la grande distribution n'ont pu jusqu'à présent rien faire.
- Ce sont aussi des catégories où les marques nationales peuvent rester très fortes (comme en beauté, en mode ou en électronique)
- Carrefour en tire donc une conclusion évidente: il faut s'allier avec les marques nationales les plus fortes pour redynamiser des rayons entiers... et créer un flux de clientèle. Nous assistons là à un véritablement renversement culturel (en France du moins): faire de la marque nationale un véritable partenaire et non un adversaire.
- La culture est un cas particulier: Carrefour a vu le développement des Espaces Culturels de Leclerc et n'a pas su le dupliquer. L'enseigne est donc obligée de s'allier... avec une grande surface spécialisée! Voilà une autre rupture culturelle: un distributeur installe son enseigne au milieu des rayons d'un autre distributeur!
La grande distribution française a donc atteint un nouveau tournant: les marques nationales puissantes, les enseignes spécialisées qui jusqu'alors étaient confinées à la galerie commerciale rentrent dans l'hypermarché. D'une certaine manière le nouveau modèle est un mixte entre le modèle traditionnel de la GMS et du grand magasin. La grande distribution va ainsi progressivement devenir loueur d'espaces commerciaux dans ses magasins, en confiant à ses partenaires la gestion de leurs espaces (stocks, personnel). Les consommateurs et les marques vont y trouver margement leur compte: plusieurs de mes clients qui ont ainsi "récupéré" des espaces jusqu'alors gérés par les grands magasins ont largement développé leur ventes en optimisant leur réassort, leur réactivité et leur niveau de service. Dans ce nouveau modèle - qui s'installe aussi aux USA (Sephora chez JC Penney, Boots chez Target et CVS...) - chacun des partenaires y trouve son avantage, tant en matière d'image, que de trafic et de ventes. Il ne peut que s'étendre à d'autres catégories: à quand un shop-in-shop H&M chez Carrefour Planet?