Magazine Nouvelles

(10) Le puzzle du cycle de vie

Publié le 06 septembre 2010 par Luisagallerini
"Je n'ai pas jugé nécessaire de joindre les volumes précédant le jour où tout a commencé, avant que ma vie, mes croyances, mes repères et ma compréhension de l'univers entier ne soient remis en question. Néanmoins, les événements qui ont eu lieu cette année-là en Égypte sont d'une telle importance, que je me présenterai, sans toutefois révéler mon identité, afin que l'absence de ces volumes ne vous fasse pas défaut.
(10) Le  puzzle du cycle de vieJ'avais onze ans lorsque mon père, un riche négociant viticole originaire de la Somme, me retira du pensionnat. Convaincu que mes aptitudes naturelles ne s'épanouiraient jamais dans un tel établissement, si elles ne déclinaient pas tout à fait, il décida que je devais recevoir le même enseignement que mon frère, d'un an mon aîné. De ce jour, nous partageâmes le même précepteur. Ma mère, qui avait été éduquée au couvent, s'opposa fermement à ce choix, mais mon père n'en eut cure. Quand il prenait une décision, qu'elle fût bonne ou mauvaise, il ne changeait jamais d'avis. Je crois que je devins rapidement pour mon père, que mes goûts pour l'histoire et les sciences ravissaient, un second fils. Pour ma mère, je serais toujours la fille de mon père, capricieuse et distante. Quand j'eus vingt ans, elle remua ciel et terre pour me marier. Mais mon éducation seule suffit à faire fuir la poignée de gentilshommes auprès desquels elle intrigua. La même année, je me passionnai pour l'antiquité égyptienne, les travaux de Champollion et je commençai à rêver de voyage.
Lors d'une conférence sur l'avancée des fouilles archéologiques en Égypte, je rencontrai sur les bancs d'un amphithéâtre Monsieur Louis Gaultier. Un an plus tard, lorsque nous décidâmes de monter une expédition au Caire, nous nous étions liés d'amitié. Passionné d'égyptologie et père d'une famille de quatre enfants, Louis, qui vivait de confortables rentes, s'assura l'aval de mon père par son érudition et ses manières, à la fois chaleureuses et sécurisantes. Ma mère, désespérée de ne pouvoir arranger d'union avec cet homme providentiel, l'accueillit avec réserve. Quelles qu'en fussent ses raisons à l'époque, je ne compris que plus tard à quel point j'aurais dû tenir compte des mises en garde de ma mère. Nous organisâmes notre voyage en cinq mois. Trois amis de Louis se joignirent à nous, ce qui réjouit mon père et accabla ma mère. Lorsque nous partîmes par une belle matinée d'été, je n'avais nulle idée de ce qui m'attendait. "

Sur un feuillet non numéroté, où l'écriture irrégulière dénotait la précipitation, Marie déchiffra les lignes supplémentaires suivantes :

"Il ne me manque que quelques éléments pour achever l'immense puzzle du cycle de vie, c'est pourquoi je suis à Londres. Le British Museum renferme tant d'antiquités égyptiennes que je ne sais pas si j'aurai assez de temps pour toutes les examiner. D'autant que le papyrus d'Héliopolis semble attiser les convoitises... "
"... je dois avoir en ma possession l'unique version qui n'a pas encore été censurée par les émissaires du Louvre ou la milice du Caire... "

Un courant d'air froid éperonna l'échine de Marie. Si elle comprenait aisément la détresse et l'angoisse de la jeune femme, elle n'avait en revanche jamais entendu parler d'émissaires du Louvre, ni de milice du Caire, ou d'une quelconque autre brigade des musées, dont l'une des attributions aurait été de censurer les textes antiques. Si le papyrus d'Héliopolis n'était autre que le Rituel de l'embaumement, qu'elle avait en sa possession, alors les avertissements de Philippe et les menaces de la conservatrice prenaient une nouvelle dimension. Elle poursuivit la lecture :

"... Le British Museum n'ouvre ses portes que dans deux jours et je ne pense pas être en mesure d'attendre jusque-là. Je m'embarquerai certainement demain à la première heure pour Calais. Si Dieu le veut, je reviendrai dans une quinzaine de jours au musée. Le temps presse, et la peur me dévore chaque jour un peu plus !".

Le paragraphe se terminait par une série de croquis, qui modélisaient à première vue le plan du musée par étage, sans autre indication que les niveaux et l'orientation géographique. Intriguée, Marie s'apprêtait à lire le manuscrit lorsqu'une vieille dame s'affala en poussant un profond soupir sur le siège voisin qu'elle avait libéré par mégarde en prenant le sac sur ses genoux. Quelques secondes plus tard, les feuilles étaient rangées et Marie, folle d'impatience, fermait les yeux en fulminant pour ne pas avoir à converser avec l'importune qui se révéla de surcroît bavarde.

Lorsque le train arriva en gare, n'ayant pas quitté sa place de tout le trajet de peur que quelqu'un, pour ne pas citer sa voisine, ne volât le manuscrit, elle se leva péniblement, les jambes engourdies. Dans son appartement parisien, du fond de son lit glacé, elle commença enfin la lecture du manuscrit.

Dans le chapitre Les Dessous de la Momie, qui débutera dès la prochaine parution, le contenu du manuscrit vous sera enfin dévoilé...

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines