C’est un livre chiné chez un petit libraire de la rue des tanneurs depuis quelques temps. Et si sa lecture a trainé ce n’est pas à cause de l’engourdissement imposé par ce mois de ramadan, ni à cause de la couverture fatiguée, des feuilles qui commencent à jaunir mais c’est la force et la singularité du sujet, l’âpreté même du roman et d’autres petits et personnels soucis qui sont derrières ce délai.
Extraits : « Banlieues pareilles à la cendre d’un volcan. Eblouissement blanc des façades comme l’appât au centre du piège des ténèbres. Je voyais des maisons naïves et propres, bonnes à mettre dans les chaussures d’enfant un soir de Noël. D’autres roublardes, confortables avec de la flanelle verte sur le ventre. D’autres ayant bec et ongles sur la rue. D’autres mal défendues et comme trouées par les charançons de la nuit. D’autres maisons comme des poules immobiles sur leur nid de briques rouges. Certaines étaient bonnes pour la casse après avoir beaucoup vécu.
Que de maisons dispensatrices de sens, de formes, de noms, chacune étant une voix d’une si grande solitude, chacune universellement compréhensive à toutes et cependant fermée jalousement. Chacune grosse d’ombre, reposant sur l’ombre, respirant dans l’ombre. Et chacune pourtant pleine du désir nostalgique de former une rue dans la lumière et d’appartenir à un plan qui se perdait dans les ondulations lointaines des collines ouvertes à la fraîcheur de la nuit. Ça et là des réverbères lugubres jetaient une lumière pâle comme la graisse d’un homme glabre et malsain qui se rase devant un miroir. » p231.