Journal d’une paresseuse (deuxième partie)

Publié le 07 septembre 2010 par Anaïs Valente

En mars 2007, je commençais l'aventure "paresseuses" : écrire mon premier livre, un guide rigolo et pratique sur le célibat.  Bon, tout ça, vous le savez.  Ce que vous ignorez c'est que durant les treize mois et des poussières qu'a duré cette aventure, j'ai tenu un chtit journal, pour immortaliser mon ressenti, mes angoisses et mes joies.  Un journal top secret, vu que je pouvais pas en parler ici.  Le but était de le publier sur ce blog le jour de la sortie officiel de "La célib'attitude".  Mais, ce jour venu, j'ai trouvé que ça faisait vraiment "je me la pète grave de chez grave de raconter tout ça".  Alors j'ai rien publié.

Ça fait deux ans presque et demi que le livre est sorti, c'est maintenant de l'histoire ancienne... alors, vu que durant quelques jours, je vais pas être cap' de vous publier des nouvelles fraîches de bibi et de la vie de bibi, je me suis dit que c'était le moment c'était l'instant de vous faire découvrir tout ça. 

Quatre jours pour vous faire découvrir cette tranche de ma vie restée secrète...

Bonne lecture.

DEUXIEME PARTIE

Jeudi 29 mars 2007

Voilà ça doit être foutu.  Mon sort en est jeté.  48 heures presque que j’ai envoyé mon synopsis.  Aucun mail enthousiaste me hurlant (symboliquement) « on vous prend ».  Rien, le silence absolu.  Ils n’ont pas aimé.  Ma carrière d’écrivaine noyée dans l’œuf (j’ai un doute sur cette expression)… Je veux mourir.  D’un autre côté, j’ai rédigé 30 pages, ça m’évite de devoir en rédiger 270 autres.  Mais quelle sniffitude, cet échec cuisant.

Dimanche 1er avril 2007

Pas de nouvelles.  Et ce n’est pas un pêchon d’avril.  C’est la stricte et douloureuse vérité.  Maintenant, je me console en me disant que mon style avait plu sur le blog, puisque c’est comme ça qu’on m’a contactée, mais tout de même quelle déception.  Je vais m’en remettre et écrire tout de même le livre, je le proposerai à d’autres ensuite… qui sait… Triste dimanche.

Lundi 2 avril 2007

J’ai craqué, j’ai envoyé un mail pour demander bonne réception… Histoire de tâter le terrain.  Réponse laconique « promis vous aurez des nouvelles avant la fin du mois ».  Fichtre, on est au début du mois.  Ce projet m’aura appris à tester ma patience, laquelle n’est pas ma qualité la plus développée, loin de là.  Bisque bisque rage, pourquoi elle m’a pas hurlé (enfin façon de parler, hurler par mail étant fastidieux) « vous êtes celle que nous cherchions depuis toujours, nous VOULONS un livre de vous ». Dure réalité.

Jeudi 3 mai 2007 

Un mois d’attente et le silence absolu.  Le temps passe différemment pour l’écrivaine (potentielle) qui attend et l’éditrice qui n’a que l’embarras du choix parmi les propositions.  J’ai encore craqué, j’ai renvoyé un mail pour avoir des nouvelles.  J’hésitais entre un mail et le téléphone, mais j’avais tellement peur d’un refus clair et net de vive voix, et surtout peur d’avoir des élans agressifs du genre « alors quoi la Parisienne, pas encore foutue de me dire si tu me prends ou pas, ça commence à bien faire », genre de réaction qui m’aurait tout de suite attiré la sympathie de toute la maison d’édition, je n’en doute point.  Anaïs, sois patiente.  Envoi d’un mail.  Réponse toujours aussi laconique « votre projet est pas mal.  J’ai réunion la semaine prochaine, je vous tiens au courant ».  Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaargh, elle veut me forcer au suicide par étouffement sous des centaines de volumes des paresseuses.  Elle veut me pousser à bout, j’en suis sûre.  Meuh non, elle est adorable, elle n’a simplement pas que ça à faire.  Moi non plus d’ailleurs.  Je vais m’occuper autrement histoire de refermer l’ulcère à l’estomac que je me fabrique depuis des semaines.

Samedi 26 mai 2007

J’ai recraqué, j’ai encore harcelé mon pauvre futur éditeur (ou pas futur éditeur, ça dépend si mon esprit est optimiste ou pas).  La patience n’étant pas mon fort, je suis au bord de la crise de nerfs depuis que mon « contact » (ça fait agent secret non ?) m’a parlé de cette réunion. Je m’attendais à un mail le soir même, sauf que je savais pas quel jour elle aurait lieu, cette réunion qui doit décider de mon destin…  Donc j’ai passé mon temps à scruter ma boîte mail, en vain.  Alors j’ai mailé, encore et toujours.

La réponse m’a plongé dans un état de stress incommensurable.  Elle commence par « désolée ».  Je ne vais pas plus loin, je suis morte, je suis anéantie.  Elle est désolée.  Tout est foutu, la dépression de l’auteure incomprise me guette.

Je continue ensuite… « Désolée, le projet a été présenté, mais pas encore approuvé, ça ne devrait plus tarder ».   Arrrgh, je reprends un infime espoir.  « Pas encore approuvé ».  Eske ça veut dire que ça va l’être, que c’est juste une question de jour, ou que l’approbation n’est pas encore certaine.  Je veux mourir.  Je veux qu’on me plonge en cure de sommeil jusqu’à l’arrivée du mail fatidique…

Lundi 18 juin 2007

Je suis sur la bonne voie, je n’ai plus rien envoyé à mon ex-futur éditeur, et je me suis lancée à fond dans d’autres projets qui occupent ce qu’il me reste de temps libre.  Ce lundi, 16h, je vaque à mes occupations professionnelles passionnantes, lorsque je reçois un mail dont l’intitulé me laisse de glace « les célibattantes ».  Je reçois beaucoup de mails de lectrices du blog qui partagent leurs expériences communes à la mienne.  Je lis « j’aimerais vous faire travailler sur ce thème pour les paresseuses ».  Etrangement, la pièce ne tombe pas immédiatement.  Moi qui pensais qu’au prochain mail des paresseuses, je bondirais d’excitation, rien.  Je ne tilte pas.  Si le mail avait été rédigé dans le style « félicitations Anaïs, vous êtes notre nouvelle paresseuse », j’aurais compris.  Mais je dois m’y reprendre à deux fois pour comprendre le bonheur qui me tombe dessus, d’un coup, lorsque je ne l’attendais plus.

Incroyable que je n’aie pas tilté, moi qui durant deux mois n’ai cessé de scruter ma boîte mail… Est-ce comme l’amour ?  Qui soi-disant arrive quand on s’y attend le moins, disent les mariés fiers de l’être.  Sans doute, car ce mail, je ne l’attendais plus, je m’étais fait une raison.  Et le voilà.  Je ne réalise pas.  Il me faut une dizaine de minutes pour me dire « voilà, tu es prise ».

Ensuite, tout doucement, je sens des papillons dans le ventre.  Je tente de ne pas bondir de joie dans le bureau, vu que personne ne connaît l’existence de mon blog et encore moins l’existence de ce projet extraordinaire.  Je savoure ma joie.  Intérieurement.

Deux minutes.

Ensuite, j’angoisse : peur de la page blanche (300 pages blanches, est-ce vendable ?), peur de me perdre dans mes tentatives d’écritures (je m’égare vite, mon éditeur me l’a dit – waw ça en jette de dire « mon éditeur »), peur de manquer d’inspiration (je dois écrire un guide pratique et non pas du blabla délirant comme j’en ai l’habitude), une trouille d’enfer me ligature les intestins.  Respire.  Fais le petit chien.  Calme.

Je dois retravailler mon synopsis, signer mon contrat, déterminer mon délai (mais combien de temps faut-il pour pondre 300.000 caractères intelligents, drôles et utiles, pitié, si quelqu’un m’entend, une réponse…).

La galère commence.  Mais c’est grisant.

Samedi 23 juin 2007

Et voilà, ça fait cinq nuit que je cauchemarde : je suis prise par les paresseuses et j’ai un livre à écrire.  Et lorsque je me réveille, contrairement à mes cauchemars habituels (je suis nue en rue, je dois retourner étudier, j'ai vendu mon logement et acheté un taudis en remplacement, je fais l’amour avec Rocco Sifredi et son énooorme... enfin vous avez compris), celui-ci n’en est pas un : je dois en effet écrire un livre.

J’ai une boule au creux de l’estomac, en permanence.  Ça doit être le stress, ou le trac, qu’importe.  Je me sens à chaque minute comme à la veille d’un examen.  Une angoisse intenable.  Des centaines d’idées me passent par la tête et chaque soir je me dis « demain je m’y mets ».  Et le lendemain je me dis « demain je m’y mets ».  Une envie folle de m’y mettre et une telle peur de ne pas y arriver.

Bon, on est samedi, j’ai plusieurs heures devant moi.  Je peux regarder quatre épisodes de Desperate Housewives, faire mon ménage, faire une sieste ou enfin entamer mon manuscrit.

Je m’y mets !

Deux heures plus tard.  Je m’y suis mise.  Alleluia, je suis sur la bonne voie.

J’ai retravaillé tout mon synopsis (je me la pète grave avec ce nouveau mot qui fait dorénavant partie de ma vie, synopsis par ci, synopsis par là).  J’avais 18 chapitres, je suis descendue à 8.  Bingo.

Mon style est bon, totalement en accord avec les paresseuses, dixit ma nouvelle patronne chérie. 

Par contre, j’ai tendance à m’égarer, à partir en live, dans tous les sens, à blablater pour ne rien dire, dixit aussi ma nouvelle patronne un peu moins chérie.  Moi, blablater pour ne rien dire, allons, voyons…

Elle a raison.

Allez, j’y retourne.

Encore deux heures plus tard.  Je vais être obligée de lire « la zen attitude des paresseuses » et « la positive attitude des paresseuses » toute la nuit pour me remettre de mes débuts en tant qu’écrivaine.  Quel stress.  Je suis sur des charbons ardents.  Je n’aime pas ce que j’écris.  Je me trouve nulle.  Personne ne va acheter ce livre, il va pourrir dans les caves des librairies ayant commis l’erreur de l’acheter.  Pire, mon manuscrit sera purement et simplement refusé, ça sera aussi simple que ça.

La voilà, la dure vie de l’écriveuzzzz qui doute sur tout et tout le temps.

Bon, là je suis sur le chapitre « comment une paresseuse peut manger sainement et de façon équilibrée ».  Avant de le conclure, je m’en vais manger ma pizza arrosée de glace haagen dasz.  Faites ce que je dis, pas ce que je fais…

Je fais part de mes doutes à mon « conseiller littéraire », bien plus expérimentée que moi, car déjà éditée.  Sa réponse me fait mourir de rire :

Très chère patiente,

ce phénomène que vous rencontrez est très fréquent chez les écrivains mis sous pression : cela s'appelle la "constipation scripturale". Phénomène de blocage devant l'imposition d'une contrainte par une tierce personne, en l'occurrence, les Editions Marabout.

Dans ces cas, pas de forcing devant l'ordinateur. Laissez agir votre inconscient nocturne et la situation se débloquera.

Docteur C.

 

A suivre...