Magazine Journal intime

Chronique d'un cancer de la dent

Publié le 10 septembre 2010 par Britbrit

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- Ma chère BritBrit, votre corps fait des siennes : vous avez la dent cancéreuse, dit placidement le chirurgien.

- Quoi ? Alors que la Bachelot se bat comme un Don Quichotte en goguette contre la dengue histoire de faire oublier l’épisode de la grippe du porcelet, je trouve le moyen de développer un cancer molaire dont tout le monde se fiche comme de sa première dent de lait (pour ma part une canine qui a fini sa vie au bout d’un fil marron tenu par ma grand-mère). On peut changer ?

- Malheureusement non. Éventuellement, on peut prolonger la chose jusqu’à la gencive histoire d’avoir un crustacé complet. Je vous propose une opération ? Le tournoi de golf des chirurgiens des dents de sagesse se clôturant le 1er septembre, on peut prévoir ça juste après. Vous saviez que j’ai un super handicap ?

- Etant donné que votre handicap n’est ni mental ni palmaire, je vous en félicite et accepte mal gré votre proposition d’intervention chirurgicale.

- Parfait, j’avais justement besoin de me refaire un peu la main après ces 2 mois de vacances à Saint Barth. C’est fou comme on peut vite se laisser aller.

- Ouais super…

Jour 1 : Entrée dans les lieux

Je craignais le pire et il est arrivé : la chambre a été relookée par une fan de Valérie Damidot : huisseries parmes et murs gris galet, aménagement mobilier constitué d’une petite armoire vert d’eau, d’un fauteuil gris moche et d’un assortiment de potences à perfusion, le mélange des styles façon hospitalo-M6 me donne déjà envie de vomir. Je sens que le séjour ne va pas être « designement » parlant des plus agréables.

J’interroge l’aide-soignante sur la literie qui ne me semble pas de première jeunesse : a-t-on bien pensé à changer le matelas tous les 10 ans ? Je ne veux pas dire, mais passer 24 heures/24 pendant huit jours sur un lit sans lever l’orteil nécessite un matériel qui combat l’escarre mieux que Luke Skywalker les mouches à viande. Désintérêt marqué de mon interlocutrice qui, en guise de réponse, me remet un prospectus du NPA avec bulletin d’adhésion pour lutter contre le manque de personnel dans les hôpitaux.

Le chirurgien jette un œil dans ma chambre et s’en va le visage fermé. Il marmonne dans son BlackBerry : « Impossible pour moi d’essayer demain le dernier X1BMW…Cliente arrivée… Oui, c’est pénible… Je vous rappelle ».

Je lui cours derrière dans les couloirs pour m’assurer avec lui de quelques points essentiels : a-t-il prévu de faire la fête ce soir ? Dort-il bien en ce moment ? Est-il du matin ? Des cas de Parkinson connus dans sa famille sur quatre générations ? A-t-il eu une mention au brevet des collèges / Bac / AFPS ?

Œil de chien de planche de voiture arrière à mon égard de la part du maestro du bistouri.
Je regagne ma chambre tête basse et pantoufle Hello Kitty trébuchante. Serais-je aller trop loin ?

Jour de l’opération

C’est désormais un addict de Très Chasse, très Pêche qui s’est occupé de la déco du bloc opératoire. J’en parle à l’anesthésiste qui me dit de ne pas m’attarder sur les détails et de penser plutôt à Stéphane Plazza pour faire de beaux rêves. Elle est rassurante et son astuce marche bien, je dors toute la journée. Pour le réveil c’est un peu plus difficile. Je pleure : je crains de devoir baisser le prix de 20% sur la vente de mon appart… alors que je ne suis propriétaire que de mon chat. Et encore.

J+1 après l’opération

Je dors à moitié, mais je m’aperçois ravie que l’on m’a branchée un distributeur de morphine gratos et à volonté. Je presse doucement le bouton d’injection pour tester l’heureuse machine.

J+2 après l’opération

Décidément cette pompe à morphine est un vrai bonheur. Et un pschitt pour Oncle Georges, un autre pour papa et deux pour grand-maman. Trois coups pour cousine Valentine et surdose pour mon cousin Romain. C’est ce qui s’appelle avoir l’esprit de famille en toute circonstance. A mon sens, c’est touchant sauf pour le personnel médical qui s’étonne pour un rien dès que je me mets à exiger que l’on fasse venir immédiatement à mon chevet le docteur Mamour et non le Dr Pierre Bénichou qui en est à sa troisième reprise a cappella des Roses blanches et à la vingtième version de son dernier dîner avec Sartre et Bruno Coquatrix.

La pompe à morphine est supprimée manu militari malgré mes promesses de rehab et mes prières aux sept nains et aux frères Bogdanov. A l’écoute de mes cris de douleur, on m’octroie cependant un demi Dafalgan. C’est toujours ça de gagné !

J+3 après l’opération

Alors que je suis toujours dans un semi sommeil, j’entre de plein fouet en phase dépressionnaire pendant que cette pistonnée d’Evelyne Dhéliat annonce toute guillerette des températures aoûtiennes qui prolongent le port du maillot de bain.

Trois trous dans ma chaîne dentaire ; tout un drame.

Je vois tout en noir et regrette. Déception que le scalpel n’est pas sectionné la jugulaire au moment de l’abolition des ganglions, désarroi que la scie osseuse n’ait pas fait un double-flip en l’air pour se retrouver enfoncée dans mon cœur créant au passage une triple perforation des poumons. Même la vie de Lady Gage me passe au-dessus de la perfusion ; c’est dire mon état.

Stéphane Guillon écrit : « A force d’écrire des saloperies, on finit par en attraper ». Je suis à deux doigts de faire mon mea culpa à toutes les connasses, informaticiens à nez originaux et autres abrutis qui ont peuplé mes billets d’humeur.

J+4 après l’opération

Face à tant de désarroi, les infirmières font venir une soignante sophrologue(?). Elle pleure sur mon sort alors que je tente désespérément de devenir bouddhiste fataliste depuis une heure. Mais quelle connasse cette briseuse de convictions psycho-religieuses ! Tu m’étonnes que tout le monde se fiche du Tibet avec des abrutis dans son style.

Je tente de négocier le groupe de clowns du service Enfants qui ne veulent pas venir au prétexte qu’ils n’ont pas prévu assez de ballons.

En échange, on me repropose un peu de morphine « Mais bien parce que c’est vous BritBrit». J’accepte l’air penaud, histoire de ne pas dévoiler trop vite ma liesse intérieure.

J+5 après l’opération

- BritBrit, fini la sonde des pro anas ; faut manger par vous-même maintenant, m’ordonne le chirurgien dont le discours est appuyé tête hochante par une diététicienne de 105 cm au garrot.

Allelluia enfin de la nourriture, de la vraie, servie sur un plateau par un maître d’hôtel directement au lit tels Madonna et Jesus au Martinez ! On reconnaît enfin ma classe royale et naturelle. De doux rêves de breakfasts viennent titiller mon cerveau gauche, mais pas pour longtemps.

Le plateau et ses plats sous emballages plastiques sont balancés sur la petite table bleu turquoise à roulettes (encore un merveilleux choix déco !). Je découvre l’ensemble l’œil suspicieux.
Mais il est où le punch ? Même quand je suis allée en Haïti, j’ai eu droit à un rhum planteur du meilleur effet à plus de 15 000 pieds d’altitude. Réaction décuplée grâce à mes voisins peu enclins à la consommation de boisson. L’un est en plein ramadan et râle sur l’inventeur du décalage horaire en défaveur des cultes musulmans – « « Encore un intégriste ! », je commente -. L’autre est un ancien alcoolique anonyme qui se concentre sur ses médailles et compte vos glouglous pour ne pas retomber dans le vice tout en se faisant plaisir (réminiscence d’un passé presque glorieux hydratement parlant).

J+6 après l’opération

Les effets secondaires font des leurs. Nouveau coup de blues.

- Que pouvons-nous faire pour vous, me demande l’infirmière un semblant conciliante

- Je veux vomir avec Sébastien Tellier.

- Heu… Et sinon ?

- Pete Doherty ?

J+7 après l’opération

Je m’ennuie. Du coup, j’observe. Particulièrement l’aide-soignante et son trio de mèches blond – roux - prune qui se prend pour Adriana Karembeu avec ses Atoll version branches à fleurs blanches.

Elle m’avoue sourire aux lèvres qu’elle économise pour se payer la nouvelle collection de la pub, celle avec les parures en écailles de tortue et les autres à motifs léopard.
Je feins une soudaine atroce douleur pour que l’on me file un peu de morphine pour oublier tant d’imbécillité humaine. Le chirurgien, interrogé par l’ensemble du corps infirmier, approuve et se montre plus compréhensif que jamais.

J+8 après l’opération

Je m’ennuie (bis repetita). Les derniers jours me semblent interminables. Tant et tant que la télévision est devenue ma meilleure alliée avec ses images sublimées.

En moins de 24 heures et après m’être passionnée pour le monde fabuleux des pingouins, je planifie ma future vie. Comprendre : je deviendrai la seule PussyCat Doll réchappée du cancer et j’épouserai le chanteur de Sexion d’Assaut qui, avec la tronche qu’il se paye, doit bien se fiche d’avoir une épouse à œdème facial. En plus, j’aurai la super chiffonnette qui fait ultra briller les chromes les gentes de vélo (vu sur M6 boutique, Téléshopping, TMC téléachat, Paris Première boutique, Euroshopping…).

Adieu maladie et bonjour gloire et célébrité bien équipées, une nouvelle vie post-cancer s’offre à moi et c’est la télé qui me le prédit !

- BritBrit, vous allez pouvoir rentrer chez vous. L’opération est une réussite. Une des meilleures de ma vie qui me vaudra bien une parution dans « Stars du scalpel ». Je m’étonne cependant de la tournure de votre esprit. Vous étiez aussi…comment dire ?… Originalement barrée avant l’intervention ?

- Heu… Oui ?!

- Me voilà rassuré. Partez en paix, priez Saint Alain Gillot-Pétré et on se revoit dans un mois juste après le Poker Challenge des pros du bec de lièvre.


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