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(2) Le plaisir des bains

Publié le 13 septembre 2010 par Luisagallerini
(2) Le plaisir des bains


Elle humecta mon corps, de face comme de dos, puis, alors que je m'assoupissais, elle enfila un gant en poils de chameau. À son contact rêche, je sursautai. Elle frictionna si vigoureusement mes chairs que mon épiderme à vif me fit atrocement souffrir. Quand j'eus perdu ma peau de serpent dans une pluie d'écailles, elle m'assit sur le banc. Avec un savon parfumé, à base de terre pétrie et d'essence de rose, elle entreprit le dégraissage de mes cheveux. Ses doigts s'enfoncèrent dans ma chevelure, pressant mon crâne sans ménagement. Je crus de prime abord qu'elle m'arrachait les cheveux un à un et que l'atroce mixture visqueuse dans laquelle elle emprisonnait les mèches miraculées resterait sur ma tête à jamais. Pourtant, je ne protestai pas, enivrée par l'entêtant parfum de rose. Quand elle eut abondamment rincé mes cheveux devenus lisses comme de la soie, je m'allongeai à nouveau pour qu'elle épilât mes membres endoloris que la vapeur d'eau avaient amollis.

Elle me conduisit ensuite aux bains où d'autres femmes se délassaient dans un tumulte assourdissant qu'amplifiaient les voûtes de pierre. Dans le premier bassin, une eau bouillante m'accueillit. J'en sortis couverte de plaques rouges pour aussitôt être immergée dans un bassin d'eau froide. Le souffle coupé, j'examinai pour la première fois la jeune femme, âgée d'une vingtaine d'années, qui s'occupait de moi. De longs cheveux auburn encadraient son visage d'où émergeaient deux grands yeux noirs de khôl. Vêtue d'une robe légère en toile blanche, elle portait les mêmes sandales à épaisse semelle que l'on m'avait fait chausser à l'entrée, pour ne pas avoir les pieds brûlés par le sol fumant des bains. Quand elle vit que je grelottais, elle me fit signe de sortir de l'eau et me mena dans l'alcôve adjacente. À sa demande, encore tremblante, je m'allongeai sur une immense table en marbre recouverte d'une épaisse serviette qui occupait la totalité de la pièce. Elle me réchauffa en m'essuyant énergiquement avec une petite serviette, puis fit craquer chacun de mes os, et rouler sous ses poings mes articulations, une à une, comme des osselets. La douleur fut telle que je soupirai au moment où elle mit fin à mon supplice, en massant mon corps meurtri avec une huile à l'amande douce.

(2) Le plaisir des bains

Dans la grande salle des bains, que coiffait une monumentale coupole blanchie à la chaux, je retrouvai Madame Delord, un verre de thé à la main, détendue, souriante, et nue comme un ver. Je réalisai alors que moi aussi, comme toutes les autres femmes en ce lieu, quelle que fût leur origine, j'étais entièrement nue. Cependant, ce détail ne me confondit pas comme lors de mon arrivée dans l'établissement. Une vieille dame, vêtue d'une longue robe blanche, m'apporta sur un plateau en cuivre un verre de thé brûlant où flottaient une feuille de menthe et quelques pignons. Madame Delord se réjouit de mon engouement pour les bains turcs et nous partageâmes notre thé comme deux amies de longue date. Nous ne tînmes pas de ces conversations aussi attendues qu'épineuses qui sont communément de mise en société, sur nos activités ou notre famille, ni même sur les raisons qui nous avaient menées si loin de la métropole, en Égypte.

(2) Le plaisir des bains

Quand on nous avertit que nous étions attendues, nous fûmes aussi surprises l'une que l'autre. Le temps s'était écoulé si vite ! Nous fûmes séchées avec de grands linges, rhabillées à la hâte et accompagnées le long du même dédale souterrain qu'à l'aller. Éblouies, nous traversâmes la cour en gardant les yeux au sol, tant la lumière du jour, qui avait décliné, incendiait les murs et le ciel. Dans le hall, je fis mes adieux à Madame Delord, puis, avec mes compagnons, je décidai d'explorer les bazars à la recherche de reliques antiques pouvant mener à de nouvelles découvertes archéologiques.

Une petite virée dans les bazars du Caire, au siècle dernier?

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