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Ph., G.AdC
VOIX DE FEMME
On accueille la paix, on lui ouvre les bras –
allègres : quitter les usines d’armes,
plus de caisses d’obus ; sortir en plein jour,
le ciel est sans avions.
Et ces gars que la guerre nous a
rendus, étrangers, mutilés tous,
on les prend dans nos bras.
On fait vie avec. On refait vie avec.
Aller librement dans les ruines,
chercher librement de quoi nourrir,
habiller, bercer – se blottir, se reposer –
ouvrir grand les bras, embrasser,
recevoir les baisers, aimer,
serrer fort.
On va dans la paix
par écœurement du sang versé,
par lassitude d’avoir tant de morts à enterrer et d’être encore vivantes,
par désir de silence,
par envie de dormir –
pour se réveiller,
pour s’y mettre, à nettoyer le plancher, à lessiver le sang noirci,
pour faire tomber les ruines et en profiter, faire de nouveaux plans, une passerelle,
planter un jardin qui ne sera pas dévasté –
pour avoir le temps,
pour partir à la recherche de ceux qui restent – qui a survécu ?
pour se venger, enquêter, poursuivre,
les jeter en prison, eux –
pour prendre le temps,
pour faire des plans – loin et proches,
pour dire à l’enfant né :
toi tu auras le temps –
pour dire, pour que tous disent :
il y a défaite
générale.
On ne fête pas d’avoir gagné :
personne n’a gagné.
Perdu, nous avons tous perdu, tout le monde a perdu,
il n’y a pas de victoire.
On fête : pas de victoire ;
on ne fête pas d’avoir été vainqueurs.
On fête : tous vaincus.
On fête : enfin il n’y aura plus de vainqueurs, jamais.
On fait des enfants qui vivront.
Laurent Grisel, Un hymne à la paix (16 fois), publie.net, Collection Zone risque, 2010, pp. 8-10.
■ Voir aussi ▼
→ (sur publie.net) le texte intégral d’Un hymne à la paix (16 fois) (téléchargement, présentation et extraits)
→ (sur le site de Laurent Grisel) histoire et présentation du texte
→ (sur Poezibao) une lecture d’Un hymne à la paix (16 fois) par Antoine Emaz
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