Je vous propose de poursuivre notre analyse des relations que la Chine entretient avec les marques en nous intéressant à un phénomène qui a débuté il y a environ 5 ans: le rachat par des sociétés chinoises de marques européennes. En voici une liste (non exhaustive.. je serais ravi que les lecteurs de BrandWatch la complètent):
- En automobile les exemples abondent: en 2005 Nanjing Auto a racheté la marque MG et SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation) a acquit les droits sur plusieurs modèles Rover. Ceux-ci ont été redéveloppés et commercialisés sous la marque Roewe avec beaucoup de succès. SAIC ayant racheté Nanjing Auto, le nouveau groupe a relancé la marque MG en Angleterre en 2009/2010, avec des modèles qui ont été bien accueillis par la critique. Le groupe dispose aussi en portefeuille des droits sur la marque Austin Healey qui ont été rachetés en 2007. Cette année Geely a racheté Volvo à Ford.
- Weichai Motors, premier fabricant chinois de moteurs pour bateaux, camions et engins de BTP, a racheté en 2008 les Moteurs Baudoin - spécialistes reconnus des moteurs marins.
- Un phénomène analogue se fait jour en mode. En 2008 Sergio Tacchini a été racheté par le groupe Hembly International. En 2009 Zhongfu a racheté les droits sur la marque Pierre Cardin en Chine. Cette année Shandong Ruyi (leader mondial en filature et tissage, un des sous-traitants de Hugo Boss) a racheté 41% de la société japonaise de mode Renown et Tombolini, société de confection italienne.
Les entreprises chinoises se sont construites jusqu'à présent sur un business model low-cost: le prix faisait la différence et certaines allaient jusqu'au dumping pour sortir des challengers d'un marché. Ils ont maintenant largement intégré qu'être propriétaire d'une marque dégage des marges bien plus substantielles qu'être celui qui fabrique pour le propriétaire de la marque. Ceci explique que plus de 20% des chefs d'entreprise interrogés dans une récente étude de The Economist ("A brave new world: The climate for Chinese M&A abroad", 2010) disent être à la recherche de marques.
Toutefois les sociétés chinoises sont confrontées à d'importantes lacunes managériales - en particulier en matière d'intégration d'équipes étrangères et en marketing. L'enquête de The Economist montre que les entreprises chinoises ont racheté 298 sociétés étrangères en 2009 (dont 13% en Europe et 13% aux USA), mais que seulement 39% des dirigeants interrogés pensent avoir les compétences pour intégrer ces acquisitions. Les défis sont donc importants. Toutefois je suis persuadé que les sociétés chinoises en question vont acquérir ces compétences rapidement... ne serait-ce que parce que les business schools européennes et américaines se positionnent actuellement sur le marché très lucratif des MBA en Chine avec d'importants partenaires locaux.