LA FETE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX (14 septembre)
C’est l’histoire de la Sainte Croix qui se poursuit au cours des siècles, par des épisodes historiques que la Liturgie a tenu à relever et à nous faire vivre pour que la Sainte Croix reste toujours dans notre cœur, devant nos yeux, et, sur Elle et avec Elle, le divin Crucifié qui, de riche qu’Il était s’est dépouillé de tout.
Tu vaincras par ce signe!
(cf. Dom Guéranger l’année liturgique)
L'année 311 incline vers son terme. Au pied des Alpes, une armée romaine s'apprête à passer des Gaules en Italie; provoqué par Maxence, son rival politique, Constantin qui la commande ne songe qu'à venger son injure. Mais ses soldats, sans le savoir plus que leur chef, sont d'ores et déjà dévolus au vrai Dieu des batailles : le Fils du Très-Haut, devenu comme homme au sein de Marie, Roi de ce monde, va se révéler à son premier lieutenant et du même coup montrer à sa première armée l'étendard qui doit la guider à l'ennemi. Au-dessus des légions, dans un ciel sans nuage, la Croix proscrite trois siècles a soudain resplendi; les yeux de tous la voient, faisant du soleil qui penche vers l'horizon son piédestal, avec ces mots en traits de feu qui l'entourent : IN HOC SIGNO VINCES, Par ce signe tu vaincras ! Quelques mois plus tard, le 27 octobre 312, du haut des sept collines tous les faux dieux dans la stupeur contemplaient, débouchant sur la voie Flaminienne, au delà du pont Milvius, le Labarum au monogramme sacré devenu l'enseigne des armées de l'empire, en attendant la décisive bataille qui, le lendemain, ouvrait au Christ seul Dieu, à jamais Roi, les portes de la Ville éternelle.
Ainsi dès le 13 septembre, l'Eglise grecque exultait de joie, préludant aux joies de ce jour ; car, pour l'Orient, qui ne connaît pas notre fête spéciale du trois Mai, c’est tout l'objet de la solennité présente, à savoir : la défaite des idoles par le signe du salut manifesté à Constantin et à son armée, la découverte de la sainte Croix quelques années après dans la citerne du Golgotha.
Mais une autre solennité, dont la mémoire annuelle demeure fixée par le Ménologe au treize Septembre, vint en l'année 335 compléter les souvenirs attachés à ce jour ; ce fut la dédicace des sanctuaires élevés par Constantin sur le Calvaire et le Saint Sépulcre, à la suite des découvertes sans prix qu'avait dirigées la sagace piété de sa mère sainte Hélène. Dans le siècle même de ces événements, une pieuse voyageuse, sainte Silvia, croit-on, la sœur de Rufin ministre de Théodose et d'Arcadius, atteste que l'anniversaire de cette dédicace se célébrait avec les honneurs des fêtes de Pâques et de l'Epiphanie; on y voyait un concours immense d'évêques et de clercs, de moines et de séculiers de tout sexe et de toute province : et la raison en est, dit-elle, que la Croix fut trouvée ce jour-là ; motif qui fit choisir ledit jour pour celui de la consécration primitive, afin qu'une même date réunît l'allégresse et de cette consécration et de ce souvenir.
Mais la Sainte Croix devait encore connaître bien des tribulations, comme le raconte le récit suivant :
Sur la fin de l'empire de Phocas, Chosroès, roi des Perses, ayant occupé l'Egypte et l'Afrique, s'empara aussi de Jérusalem où il massacra des milliers de chrétiens. La Croix du Seigneur, dont sainte Hélène avait enrichi le Calvaire, fut par lui emportée en Perse. Héraclius cependant succédait à Phocas. Réduit aux dernières extrémités par les calamités de la guerre, il demandait la paix, sans pouvoir, aux plus dures conditions, l'obtenir de Chosroès qu'enflaient ses victoires. C'est pourquoi, s'absorbant dans le jeûne et la prière, il se tourne vers Dieu, implorant secours en son péril extrême ; avis lui est donné du ciel de rassembler des troupes; il les mène à l'ennemi, et défait trois généraux de Chosroès avec leurs armées.
Abattu par ces revers, et fuyant vers le Tigre qu'il s'apprête à passer, Chosroès associe au trône son fils Médarsès. Mais Siroès l'aîné, furieux de l'injure, dresse des embûches à son père et à son frère, les arrête dans leur fuite et les tue peu après ; ce qu'étant accompli, il obtint d'être reconnu roi par Héraclius, sous certaines clauses dont la première portait restitution de la Croix du Seigneur. Quatorze ans après qu'elle était tombée au pouvoir des Pères, la Croix fut donc reconquise ; Héraclius, venant à Jérusalem, la reporta en grande pompe sur ses propres épaules à la montagne où le Sauveur l'avait portée.
A cette occasion, eut lieu un insigne miracle bien digne de mémoire. Car Heraclius, couvert comme il l'était d'ornements d'or et de pierreries, ne put franchir la porte qui conduisait au Calvaire ; plus ses efforts pour avancer étaient grands, plus il semblait retenu sur place. D'où stupeur d'Héraclius et de la multitude. Mais l'évêque de Jérusalem, Zacharie , prenant la parole : Considérez, dit-il, empereur, que cette parure de triomphe, en portant la Croix, ne rappelle pas assez peut-être la pauvreté et l'humilité de Jésus-Christ. Heraclius alors, dépouillant ses habits luxueux, nu-pieds, et vêtu comme un homme du peuple, fit sans difficulté le reste de la route,et replaça la Croix au Calvaire, dans le même lieu d'où les Perses l'avaient enlevée. La fête de l'Exaltation de la sainte Croix, qui se célébrait tous les ans en ce jour, acquit dès lors un éclat nouveau, en mémoire de ce que cette Croix sainte fut de la sorte rétablie par Heraclius à l'endroit où on l'avait d'abord dressée pour le Sauveur.
D’où le geste simple d’humilité que la Liturgie, dans sa grande délicatesse, nous demandait de faire le Vendredi Saint, au moment d’aller adorer la Sainte Croix : se déchausser pour s’approcher de ce lieu saint, du Calvaire, comme Moïse avait dû faire sur la montagne, en voyant le buisson ardent… Aucun Prélat, aucun prêtre ne le fait plus… Ils ont oublié, ou bien ils ne l’ont jamais su… Les Mages qui se prosternent devant Jésus enfant et l’adorent ; les consacrés qui s’approchent de la Sainte Croix, en se déchaussant, en se dépouillant, pour manifester leur adoration, leur amour, leur volonté de fuir le péché par l’humilité, par la pénitence… Des temps révolus ? Des temps à retrouver, des pratiques pieuses à redécouvrir…
Hymne des Premières Vêpres :
Vexilla Regis prodeunt, de Venance Fortunat 530-609)
L'hymne "Vexilla Regis" fut composée par saint Venance pour une occasion très particulière. Sainte Radegonde cherchait quelques reliques pour sa chapelle quand l’empereur Justin II "le jeune" et l’impératrice Sophie lui envoyèrent de Constantinople un morceau de la vraie Croix.
Pour célébrer dignement l’arrivée de la sainte relique, l'ancienne reine demanda à saint Venance de composer une hymne pour la procession d’accompagnement jusqu’à la chapelle, hymne qui sera chantée pour la première fois le 19 novembre 569. C'est Venance, hymnographe mais probablement pas encore prêtre, qui fut choisi pour accueillir la relique à son arrivée à Poitiers. Lorsque les porteurs du saint fragment se trouvèrent à 3 km de la ville, Venance, entouré d'une grande foule de fidèles, dont certains portaient bannières, croix et autres emblèmes sacrés, s'avança à sa rencontre. Tout en marchant, ils chantèrent cette hymne qu'il avait composée.
Les étendards du Roi s’avancent, et resplendit le Mystère de la Croix, à laquelle pend dans Sa chair le Créateur de la chair. La Victime est immolée pour la grâce de notre Rédemption, Ses entrailles accrochées au clou, Sa dépouille tendant les mains .Achevé par la funeste pointe d’une lance, Il laisse couler l’eau et la sang afin de nous laver de notre crime.Voici qu’est accompli ce que chantait David dans les psaumes de sa foi,disant aux nations :Dieu a régné par le bois.
Choisi comme potence, Parée de la pourpre du Roi, cet arbre porte les membres sacrés comme une décoration resplendissante! Bienheureux arbre dont les branches supportent pendu le Salut des siècles! En échange de ce corps l’Hadès a été dépouillé. Comme signe d’un noble triomphe tu répands le parfum de ton bois, tu y joins la saveur de ton nectar, nous réjouissant du Fruit que tu portes. Salut, autel, salut, Victime, Pour la gloire de Ta Passion Où la Vie a souffert la mort Et par Sa mort nous a rendu la vie.
Salut ô Croix, notre unique espoir, dans la gloire de ton triomphe! Offre la grâce aux hommes pieux, et détruis les crimes des coupables. C’est Toi, Trinité, source de notre Salut, que loue tout esprit : par le mystère de la Croix Tu nous sauves et nous guéris éternellement.