Quand on a un vieux voisin pour lequel on a béguin, on est à point pour écrire pour Harlequin. Tel était le nouveau credo d’Aurélia. Après avoir cousu des pieds, des mains, des doigts dans la journée ou affronté tous ces visages aussi fermés que le mur israelo-palestinien, Aurélia n’avait plus qu’une envie le soir : assouvir sa sentimentalité en toute impunité.
Ca commençait par l’apéro avec Titus où désormais elle fournissait tout ce que ces yeux et oreilles avaient fait semblant de ne pas voir pendant la journée et se foutait allégrement de la gueule de ses patients avec son voisin. Chacun y trouvait son compte : Aurélia se soulageait de leur obtuse méchanceté, Titus se vengeait de leur ouverte trahison.
D’ailleurs, il avait raison, la misanthropie ici, c’était le seul moyen de maintenir une certaine humanité. Le seul hic, c’était qu’à force de rire Aurélia avait juste peur que son voisin se choppât une crise cardiaque un jour ou l’autre. Et là, ça serait pour sa carotte…
Puis elle montait dans ses appartements, mangeait rapidement et se mettait à écrire des romans d’amour. Après avoir été baignée toute la journée dans le vinaigre, le formol, la betadine ou le sang, Aurélia n’avait presque plus honte de se laisser à de telles mièvreries. Après tout, chacun a les vices qu’il peut : échangisme, tuerie, perversion sexuelle ou littérature à l’eau de rose…