Revolver

— Il va pleuvoir, dit la vieille dame.— Eh, ben.Je me dis qu'un pistolet qui se montre le bout du nez au premier acte réapparaît systématiquement avant le rideau.
Nous buvons quelques verres de rouge et le travail avance. Le noyer reste immobile, comme si lui aussi attendait le coup de théâtre annoncé, la conclusion inéluctable. Dossier par dossier, nous réglons des trucs. Les heures passent sous le joug d'un azur sans nuances. Tout le monde est fatigué et content. On se frotte les yeux. Vers la fin, alors que nous sommes très concentrés, je remarque que le ciel a pâli jusqu'à devenir laiteux. Poc. Les peaux tendues des petites feuilles mortes qui sèchent un peu partout servent de clavier aux ongles du ciel maussade. Ploc.— Il pleut ?— Non.— Meeh…Nous ne levons pas le nez de nos ordis, obnubilés par le boulot. Soudain, un mot au pluriel que je relisais devient tout flou. Son « s » est carrément vague et coulant. Une goutte a chuté du monde réel pour venir s'écraser dans le virtuel. Ça m'arrache à mon rêve RGB. — Ça y est, je murmure. Le gun. Le dernier acte. — Uhm ?— Mais oui, venez, on rentre.— Ça y est !— Merde, c'est l'automne.
Poc, ptoc, ploc.© Éric McComber