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Christophe

Publié le 16 septembre 2010 par Danielrondeau
Tu avais le sourire narquois, léger, les yeux rieurs, moqueurs. Tu étais brillant et attentionné. Tu avais ce charme des brutes au regard doux qui nous rendait tous un peu jaloux, jusqu'à ce qu'on apprenne ce qui se cachait derrière.On t'appelait Chris, Cricri, Totof. Je te surnommais Tof. Autour de la table de notre poker hebdomadaire, ce surnom t'allait comme un gant. Je n'aurais pas cru être si loin de la vérité dans ta vie de tous les jours.Debout devant ton cercueil, près d'une photo de toi un peu plus grande que nature, j'aurais voulu, juste pour toi, croire en Dieu, croire en un au-delà où je pourrais, un jour, me rasseoir à tes côtés, le temps d'un verre, le temps d'une partie de poker, question de te détester encore un peu, me demander comment tu fais, vieux bougre, pour lire si bien dans le jeu des autres, pour laisser si peu d'indices sur ton jeu.D'ailleurs, comment as-tu fait?Même dans tes clins d'oeil rieurs alors que tu ramassais les mises, je ne pouvais savoir si tu m'avais bluffé. Maintenant, je sais que oui. Salaud.Tu sais que depuis une semaine, tous les gars du «bunker» jouent leur jeu ouvert? Que grâce à toi, on s'est juré des trucs inimaginables jusqu'ici? Qu'on a pleuré dans les bras les uns les autres?Tu t'es couché avec la meilleure main, Tof, ce qui n'arrivait jamais dans notre tripot, ce qui n'aurais jamais dû arriver. Je te déteste encore un peu aujourd'hui, une semaine plus tard. C'est la troisième phase du deuil, à ce qu'il paraît. Ce soir, demain, dans un an, la tristesse. Un jour, j'arriverai à l'acceptation. Ce n'est pas que j'y tienne tant que ça.Repose-toi bien, Tof. Tu nous manqueras plus que tu ne le croyais.

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