Magazine Journal intime

L'absent

Publié le 28 décembre 2007 par Mirabelle
Vendredi 28 dĂŠcembre 2007

L'absent

La tête tout contre lui, elle écoute sa respiration. Elle écoute jusqu'au moindre frémissement de sa peau, elle écoute tout ce qu'elle ne veut pas oublier. Les amoureux sont seuls au monde. Amoureux, ils le sont encore. Sinon, il n'embrasserait pas son front avec autant de tendresse... Sont-ils toujours amoureux, vraiment ? Le doute plane et le doute ravive la passion. Elle veut le dévorer, pour que jamais il ne puisse s'échapper. Elle veut le retenir là, dans cette chambre. Elle veut qu'il oublie tout. Elle veut occuper toute la place. La tête tout contre lui, il lui ouvre les bras, comme il l'a toujours fait. Y a-t-il rééllement quelque chose de changé ? Elle se blottit au creux de son épaule, instant délicieux qu'elle sait éphémère. Instant délicieux où l'on sait qu'il suffit d'un battement de cil pour perdre celui qu'on aime. Elle sait que cela ne durera pas toujours. Il lui a appris à ne plus croire au conte de fées. Mais elle peut toujours, rien que pour elle, se laisser envahir par ce moment, se l'approprier, et le rendre immortel, à sa façon. La tête tout contre lui, il lui caresse les cheveux. Ont-il un avenir ? La question n'est pas posée. Profitons juste d'être ensemble... Comme une parenthèse enchantée, où les disputes n'existent plus, où les pleurs n'existent plus, où les différences n'existent plus, où le quotidien n'existe plus. Juste elle et lui. Le temps de se faire du bien et de croire encore, un peu, parfois, par éclair, que tout est encore possible. Que tant qu'il y a de l'amour... Mais y a-t-il encore de l'amour ? Elle a la tête tout contre lui. Se dit que si elle devait mourir là, maintenant, cela lui irait très bien. Elle a envie de lui dire. Peur d'être ridicule. De ne lire dans ses yeux que de la désolation et de la pitié. Il l'a aimée, pourtant. N'y a-t-il plus d'amour ? Il a les yeux fermés et elle veut se souvenir de tout. Elle l'observe. Ses grains de beauté. Le bombé de son front. Son nez cassé. Ses lèvres gercées, ses mains velues, son parfum, son parfum, son parfum... Il est là, dans son lit, et elle sait qu'il en sortira. Elle sait que bientôt, il se rhabillera et claquera la porte. Elle sait qu'il lui souhaitera une bonne soirée tout en sachant qu'elle ne pourra être bonne. Il sait qu'il la laissera là, désemparée, avec ses espoirs déçus. Il sait qu'il l'aime encore pourtant mais... Qu'est ce que l'amour face au bonheur ? Elle sait, elle, que tout cela arrivera. Elle sait que ce qu'elle craint se produira. Elle sait qu'il partira. En attendant, elle a sa tête au creux de son épaule, elle respire son odeur et bénit chaque seconde qui passe dans ses bras. Elle l'aime encore. Il suffit qu'il fasse un geste, un seul, pour la serrer contre lui et elle oublie tout, ses résolutions, ses rancoeurs, ses désirs de prince charmant. Il suffit d'un rien pour qu'elle sente, dans tout son corps, que passeront bien des minutes, bien des heures, bien des jours, avant qu'elle tombe de nouveau amoureuse. Alors elle l'embrasse, a envie de le lui dire, de le supplier, de se mettre à genoux. Sauf que ce sont les hommes qui sont sensés se mettre à genoux. Sauf qu'elle ne peut pas le supplier, qu'elle ne peut pas le lui dire. C'est au dessus de ses forces, au dessus de son orgueil. Le sent-il, au moins ? Le sent-il, qu'elle voudrait le lui dire mais que sa pudeur le lui interdit ? Les sent-il, ces mots coincés au fond de la gorge, ces mots d'amour qu'elle n'avait pas assez prononcés et qui ne demandent qu'à fleurir, désormais ? Le sent-il ? Elle ne le saura pas. Alors elle l'embrasse et se contente de le savoir là, dans son lit. Elle se contente de tenir son visage entre ses mains, d'embrasser son nez, d'embrasser ses doigts. Elle s'en contente. Elle écoute sa respiration et résiste à la tentation du sommeil. Elle ne veut pas dormir. Dormir, c'est renoncer. Elle ne veut pas renoncer. Elle veut le lui dire. Rien ne vient. Y a-t-il de l'amour, encore ? Il a une main sur sa hanche, mouvement habituel qu'elle ne découvre qu'aujourd'hui. Il a son menton sur son épaule, pose habituelle qu'elle ne découvre qu'aujourd'hui. Il a ce soupir de satisfaction, ce "je suis bien, là...", qu'elle ne découvre qu'aujourd'hui. Comment a-t-elle pu l'aimer sans être frappée par tout cet abandon qu'il lui avait offert ? Elle est tout contre lui et il lui semble que rien ne peut lui arriver. Il lui semble qu'ils seront réunis, malgré tout. Comme des amants qui, sans jamais se supporter, ne peuvent vivre l'un sans l'autre. Il lui semble qu'après un moment si magique, une alchimie si totale, il ouvrira enfin les yeux et lui dira qu'il ne peut renoncer à tout ça.
Le lendemain matin, elle se réveille. Il est absent. Elle a rêvé. Il est absent. Absent.
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