J'avais presque oublié ce journal. Je vous dois des excuses, je suppose, pour cette si longue absence; sans doute la plupart d'entre vous, lassés de mon silence, se sont-ils détournés vers d'autres lieux. Je salue d'autant plus Fred le marin, fidèle gardien de ces pages, et renouvelle mes amitiés à Talie. Plusieurs facteurs m'ont tenu éloigné du clavier: l'état de santé de mon beau-père, la perpétuelle menace des chasseurs -- et trois déménagements hâtifs, -- un projet dont je vous parlerai à l'occasion, ma rencontre avec un jeune vampire, dont il faudra également que je vous parle à l'occasion... Pour être honnête, j'avais aussi besoin de me retrouver après avoir remué la fange de mon passé. Mon enlèvement a laissé des séquelles.
Mais trêve de justifications. C'est inquiet du succès d'une vision particulièrement naïve, donc funeste, du vampire que je reprends aujourd'hui la parole. Vous l'aurez compris, je pense notamment à Twilight de Stephenie Meyer. Je redoute plus que jamais la venue d'adolescents victimes d'une fascination malsaine -- si vous me passez le jeu de mots -- pour ces vampires de contes de fées. Moi qui m'attendais, en m'exposant au public, à devoir continûment justifier de mon humanité, me voici aujourd'hui à rappeler cette évidence: les vampires sont dangereux. Pour survivre, nous saignons des êtres humains et mutilons leur cadavre. Aussi estimable puisse-t-il être par ailleurs, un vampire tue. Alors admirez-nous si vous y tenez, mais de grâce, admirez-nous de loin.
Nonobstant ce pénible rappel, je vous souhaite une bonne soirée.