4. Le développement du christianisme aux premiers siècles
Dès le premier siècle, le christianisme était considéré comme une « superstition illégale », et cette qualification fit que la simple profession de foi chrétienne - le « nom chrétien » - suffît à constituer une infraction pénale. Ceci explique que la cause de nombreuses violences anti-chrétiennes, au deuxième siècle, eurent pour cause non pas tant l’initiative des empereurs ou des magistrats que les troubles et les dénonciations populaires.
C’est pourquoi, à cette époque, la persécution ne fut ni générale, ni continue. Les chrétiens jouirent occasionnellement de longues périodes de paix, sans obtenir cependant aucune sécurité juridique ni être jamais à l’abri d’agressions ultérieures, qui pouvaient se produire à tout moment.
L'attitude ambiguë de certains empereurs du deuxième siècle est reflétée par la célèbre réponse de l’Empereur Trajan à la question posée par Pline, gouverneur de Bithynie, sur la conduite à suivre à l’égard des chrétiens. Trajan déclara que les autorités ne devaient pas les poursuivre de leur propre initiative, ni tenir compte des dénonciations anonymes. En revanche, elles devaient agir contre eux lorsqu’elles étaient saisies de dénonciations en règle, jusqu’à prononcer la peine de mort contre ceux qui n’apostasieraient pas et refuseraient de sacrifier aux dieux.
Tertullien - apologiste chrétien et bon juriste - souligna plus tard l’absurdité de cette réponse : « Si ce sont des criminels - les chrétiens - pourquoi ne les poursuis-tu pas ? Et s’ils sont innocent, pourquoi les châtier ? ». Au troisième siècle, les persécutions prirent une nouvelle tournure. Lors des tentatives de rénovation de l'Empire qui ont suivi "l'anarchie militaire" - une période dangereuse de désintégration politique - l'un des principaux éléments mis en oeuvre fut la restauration du culte des dieux et de l'Empereur, en tant qu'expression de la fidélité des sujets à Rome et à son souverain. L'Église chrétienne, qui interdisait à ses fidèles de participer au culte impérial, apparut alors comme un pouvoir ennemi. Ce fut la cause d'une nouvelle vague de persécutions, déclenchées cette fois par l'autorité impériale elle-même, et qui furent beaucoup plus étendues que les précédentes.
5. La persécution de Dèce
La première de ces grandes persécutions suivit un édit publié par Dèce [250], ordonnant à tous les habitants de l’Empire de participer personellement à un sacrifice général offert en l’honneur des dieux de la patrie. Cet édit surprit une population chrétienne, déjà assez nombreuse, dont la trempe s’était quelque peu attiédie après une longue période de paix. Il en résulta que même si les martyrs furent nombreux, beaucoup de chrétiens chancelèrent, qui sacrifièrent publiquement ou qui, pour le moins, reçurent le “libelle” attestant qu'ils avaient sacrifié, et dont la réintégration dans la communion chrétienne allait susciter des controverses dans l’Eglise. Cette épreuve servit en tout cas à affermir les esprits et quand, peu d’années plus tard, l’Empereur Valérien (253-260) provoqua une nouvelle persécution, la résistance chrétienne fut beaucoup plus vive : les martyrs furent nombreux et les chrétiens infidèles — les lapsi — peu nombreux.
6. La persécution de Dioclécien
La plus grande persécution fut sans aucun doute la dernière, qui eut lieu au début du 4ème siècle, dans le cadre de la réforme majeure des structures de Rome réalisée par l’Empereur Dioclécien. Le nouveau régime établi par le fondateur du Bas-Empire était la “tétrarchie”, c'est-à-dire le gouvernement par un “collège impérial” de quatre membres, lesquels se partageaient l'administration des immenses territoires romains. Le régime tétrarchique attribuait à la religion traditionnelle un rôle important dans la régénération de l'Empire, raison pour laquelle Dioclétien ne persécuta pas les chrétiens pendant les dix-huit premières années de son règne. Un certain nombre de facteurs - parmi lesquels l’influence du César Galère - provoquèrent le commencement de cette tardive mais dure persécution. Quatre édits contre les chrétiens furent publiés entre le mois de février 303 et le mois de mars 304, avec l’objectif d’en finir une fois pour toutes avec le christianisme et l'Eglise. La persécution fut très violente et fit de nombreux martyrs dans la plupart des provinces de l'Empire. Seules les Gaules et la Bretagne, gouvernées par le César Constance Chlore, sympathisant du christianisme et père du futur Empereur Constantin, échappèrent pratiquement aux rigueurs de la persécution. Le bilan final de cette grande et dernière persécution fut un échec complet. Dioclétien, après avoir renoncé au trône impérial, vécut encore assez longtemps dans son pays natal, la Dalmatie, pour être le témoin, depuis sa retraite de Split, de l'épilogue de l'ère des persécutions et des commencements d'une époque de liberté pour l'Eglise et les chrétiens.
(à suivre)