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« Je n'reconnais plus personne »

Publié le 20 septembre 2010 par Angèle Paoli
Diariu


Avec H.D.
Ph./Image, G.AdC

« JE N'RECONNAIS PLUS PERSONNE…»

  Il est arrivé tôt le matin  Marinière de marin chinois bleu délavé sous la treille  Te voilà ?  Oui je suis venu pour le week-end  J'ai décidé  De temps à autre  Tu es venu comment ?   Avec H.D.  Elle est là ?   Oui  à l'Annonciade sous le platane de ton aïeul  Tu veux faire un tour ? Je t'avais promis !   On passe chez notre ami  il te prête un casque et on y va   Tout de suite ?   Oui tout de suite.

  H.D. tout droit venue d'Amérique  Elle a traversé l'Océan jusqu’à Anvers   Elle est là sous le platane de l'aïeul majestueuse élégante racée rutilante dans ses chromes  Allez monte On y va Tu cales bien tes pieds  Je me cale contre son dos   H.D. s'élance silencieuse nous propulse jusque chez Tino  Je camoufle mes cheveux sous le casque  On y va   Bleu de Chine sous la joue.

  H.D. s'élance à nouveau prend les virages en douceur je suis les mouvements de son corps elle s'incline je m'incline elle se redresse je me redresse mouvement ample de la vague je sens sa chaleur sous la plante des pieds chaleur douce qui monte le long des cuisses se sépare à la fourche envahit torse épaules muscle après muscle je sens son corps qui palpite sous la toile de marin chinois délavée bleue vibrations légères de l’une à l’autre de l'autre à l’autre une même intensité une même densité du corps chromes et toile le paysage défile bleu sur bleu criques chatoyantes sous le soleil montagne lumineuse sous la fraîcheur du matin au loin le « Dorsoduro » de la Balagne tremblé dans une semi-brume le golfe décline ses plages blanches dans la douceur de la vitesse après le virage en épingle la petite route virginale tombeaux blancs et cactus le Monte Minerviu où bute le regard il faut imaginer au-delà plus loin tout en bas l’écrin déchiqueté de la marine mille pépiements d'étoiles ocelles de lumière juste le silence pas un souffle juste un peu de chaleur sur la joue parfums du maquis ici la nepita en fleur là le myrte les immortelles grappes séchées qui s'effritent odeur d'épices sous les doigts le thym et partout le long des talus ces touffes de jaune parfum ambré velouté des feuilles sur la peau quel nom leur donner et l'ellébore bleu bouquet feuillu au-dessus du muret La Corse ne sera jamais une résidence secondaire  lettres badigeonnées noir sur nuit c'est apparu un matin au début de l'été   Qui personne ne sait autre muret plus loin La Corsa a i Corsi   rouge sang  La route file sous H.D.   Le désespoir se lit à nu sur la pierre la rage aussi et l'impuissance  Que faireComment   Pour quel combat perdu d'avance    La Corse ne sera jamais une résidence secondaire   Et pourtant    quelle autre réalité   Le village vibre plein feu un mois et demi sur douze  D'ici deux ans plus d'école la poste suivra le médecin l'épicerie   Seuls resteront les vieux  vieux et seuls  La route file sous H.D. je reviens à elle à l'instant vibrant dans le silence à la douceur du soleil sur ma joue à la pleine lumière pépiements d'ocelles sur la mer Bleu de Chine au coin des yeux paupières mi-closes sur l'éphémère.

Canari, le 20 septembre 2010

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


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