De quoi se nourrir? Du réel, de tout façon il n'y a que ça.
Simplement voilà, on est tellement habitués au glacage par dessus, à tout ce falbala de décoration, de fiction, d'amélioration, que tout nu, tout cru, le gros gâteau semble pâteux, désespérement prévisible. On est là devant, obligés à remâcher, remâcher, remâcher. Et moi je vous le dis tout net : si c'est ça, je n'en irai pas de mon petit couteau pour vous découper une belle tranche de réel en plus. Là n'est pas mon appétit.
C'est qu'on nous trompe de vitrine.
Dans cette manne qu'on nous décrit si fade qu'il faut l'ensucrer, si la même de partout qu'il faudrait la truffer de pépites, se cache quelque chose qui n'a pourtant rien de la fève.
Subitement sous la dent gicle une veine, un jus, un sang acide et tranché qui vous renverse de dégoût, de délice. Car le réel n'est pas de mie, mais de chair, et je suis cannibale communiante mangeant mon proche réel. Il est encore palpitant, vivant sous la dent.
L'étrangeté nous est propre. En nous, entre nous, coule un sang, celui de la beauté et du hasard. C'est cela qui nous nourrit sans nous rassasier, à s'en manger la main.