L'église Saint-Guen ouvrait ses portes à l'occasion des journées du patrimoine. La présence de l'architecte m'a décidé à re-prendre le chemin de l'église. Exactement le même chemin que celui que j'empruntais, enfant sous la menace d'une Grand-Mère catholique bretonne intransigeante à ce sujet en direction de cette église, précisément, où j'ai perdu quelques unes de mes belles heures de jeunesse.
Pour tout dire, ces heures de messes ont sans doute été les plus longues de ma vie, jusqu'ici... Du coup, avec mon comparse d'infortune, une fois les biscottes grignotées en ricanant et les sucreries avalées, non sans bruissements de papier hilarants (faut être allé une fois à la messe catholique pour comprendre), il ne restait plus qu'à compter les triangles de la résille de charpente et de se laisser aller à une rêverie géométrique.
A la messe de 11h, l'idée de bandeau de lumière prenait enfin du sens et ajoutait des images colorées à la longue purge.
De l'extérieur la construction peut surprendre, assure le fascicule édité pour l'occasion. Labélisé Patrimoine du XXe siècle, le complexe ecclésiastique comporte une pyramide, un porche, ouvert au sud, et un campanile. Une tente, dites tente qui rappelle les hébreux plutôt que pyramide qui évoque pharaon.
Mais il s'agit pourtant bien d'une pyramide creuse posée, comme un château de cartes, au bord d'une voie express. Elle se voit de loin, elle signale par sa silhouette la fonction spirituelle de l'édifice. L'architecte craignait pourtant qu'on ne la compare avec le temps à un hangar commercial ou une salle polyvalente quelconque. Pour moi elle était déjà démodée à sa réalisation (en 1966), prétend-il, elle est bâtie sur le modèle de Notre Dame de Lourdes!
La grande salle sans piliers, est conçue pour accueillir jusqu'à 1000 personnes. Une immense charpente en lamellé collé, couverte d'ardoise, repose sur un muret en granit du pays avec un bandeau de lumière, changeant au fil de la journée, entre les deux.
La géométrie dirige tout ici, vous êtes invités à prier Pythagore et adorer Thales.
En avançant vers l'autel, un cube monolithique, plus large que haut, grandit l'impression d'être écrasé par le poids de tout ce vide, de cette immensité hostile et habitée qui siffle des théorèmes, au dessus de vos tètes. Tout n'est qu'angles à 36° et 45°.
La pyramide se décompose, elle même, en quatre triangles : deux équilatéraux au nord et à l'ouest et deux isocèles au sud et à l'est
Le plan révèle un grand poisson peu accueillant. Un genre de poisson à avaler Jonas ou un piranha affamé qui dévore tout ce qui passe à sa portée... Je vous laisse imaginer dans ce cas la nature du clocher
Le regard, en entrant, s'élève vers le sommet pour n'y trouver que du lambris, aucune ouverture apparente ne troue le toit sauf un pyramidion au symbolisme évident.