6. La christianisation des Empires
Le Concile de Constantinople éleva en 381 le siège de cette cité au rang patriarcal et attribua à ses évêques un primat d’honneur dans l’Eglise, après l’évêque de Rome, « en raison - dit-il - de ce que la ville est la nouvelle Rome ». Sur ce fondement, de nature politique et non pas ecclésiastique - la capitale impériale - fut créé un nouveau patriarcat, celui de Constantinople, destiné à atteindre une préémience incontestable sur tous les Patriarcats orientaux, surtout à partir du Concile de Chalcédoine (451).
La liberté de l’Eglise lui permit de se structurer plus clairement et favorisa un exercice plus effectif du Primat des papes sur l’Eglise universelle. Les grands pontifes des 4ème et 5ème siècles - Damase (✝ 366), Léon le Grand (✝ 461), Gélase (✝ 496) - s’efforcèrent de définir avec précision le fondement dogmatique du Primat romain : la primauté concédée par le Christ à Pierre, dont les papes sont les successeurs légitimes et exclusifs. A partir du 4ème siècle, l’exercice du Primat romain sur les églises occidentales fut très intense : les papes intervinrent en de multiples occasions par des lettres décrétales, par ses légats et ses vicaires.
En Orient, un grand concile - celui de Sardique (343-344) - reconnut le droit de tout évêque de la terre de recourir, en tant qu’instance suprême, au Pontife romain. Cependant, la tendance qui prévalut finalement, favorisée par le développement des Patriarcats, notamment celui de Constantinople, fut celle qui était favorable à l’autonomie juridictionnelle.
L'attitude de l'Orient chrétien à l’égard de Rome, après le Concile de Chalcédoine, peut se résumer ainsi : il attribuait à l'évêque de Rome la primauté d’honneur sur toute l'église, reconnaissait son autorité dans le domaine doctrinal, mais refusait de reconnaître tout pouvoir disciplinaire ou juridictionnel des papes sur les églises orientales.
Dans l'Empire romano-chrétien, de grandes assemblées ecclésiastiques purent se réunir, manifestations authentiques de la catholicité de l'Eglise, qui reçurent le nom de “conciles oecuméniques” ou universels. Huit synodes oecuméniques eurent lieu entre les quatrième et neuvième siècles. Une importance particulière fut toujours reconnue aux quatre premiers d’entre eux : ceux de Nicée I (325), de Constantinople I (381), d’Ephèse (431) et de Chalcédoine (451). Tous ces conciles se réunir dans l'Orient chrétien, et la majeure partie des évêques qui y assistèrent étaient des évêques orientaux.
La convocation de ces conciles était ordinairement faite par l'Empereur, seule autorité capable de mettre en oeuvre les moyens indispensables à la célébration de si grandes assemblées. Pour plusieurs d'entre eux, la convocation impériale répondit à une demande pontificale et les légats du pape occupèrent une place d'honneur dans l’assemblée conciliaire. La reconnaissance du caractère oecuménique d'un grand concile se fondait sur sa réception par l'Eglise universelle, exprimée surtout par la confirmation papale de ses canons et de ses décrets.
La liberté de l'Eglise et la conversion du monde antique entraînèrent finalement l'entrée en scène d'un nouvel acteur de première importance pour les temps futurs : l'empereur chrétien. Ce personnage - un simple laïque dans l'ordre de la hiérarchie - avait néanmoins conscience de la mission qui lui incombait de défendre l'Eglise et de promouvoir l'ordre chrétien dans la société : tel était déjà le rôle que s’attribuait Constantin en se donnant à lui-même le titre très significatif « d’évêque extérieur ».
Les empereurs chrétiens rendirent d'incontestables services à l'Eglise mais leurs ingérences dans la vie ecclésiastique produisirent également de nombreux abus, dont le terme « Césaro-papisme » exprime la forme extrême. Ces abus furent particulièrement graves dans les églises d'Orient. En Occident, l’autorité de la papauté, la faiblesse des empereurs occidentaux et l’éloignement géographique des orientaux contribuèrent à la sauvegarde de l’indépendance ecclésiastique. Les relations entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, leur conjonction harmonieuse et la mission de l’empereur chrétien furent des thèmes traités par différents Pères de l’Eglise, et spécialement par le Pape Gélase, dans une lettre qu’il écrivit à l’Empereur Anastase (en 494).
Le rôle de l’empereur chrétien, comme protecteur de l’Eglise, fut jugé à ce point nécessaire, dans les siècles de transition de l’Antiquité au Moyen-Age, que lorsque les empereurs byzantins cessèrent de le jouer au côté du Pontife romain, les papes cherchèrent auprès du roi des Francs l’aide du pouvoir séculier qu’ils ne pouvaient plus attendre de l’Empereur oriental.
Cet article clôt le chapitre 3 : L'expansion du christianisme (cf. la Page "Les premiers chrétiens"), que l'on peut consulter intégralement en cliquant ICI.