Magazine Journal intime

[Recyclage du 26 Octobre 2008] Mamie Bounéa

Publié le 26 septembre 2010 par Wawaa

En triant mes papiers ce matin, j'ai trouvé un cahier dans lequel j'ai reconnu mon écriture de gamine. J'avais 11 ou 12 ans à l'époque et j'adorais écrire. En cachette j'avais rédigé une petite nouvelle sur une grand-mère partie vivre ses derniers instants en Afrique dans une tribu de pygmées. J'ai pris le temps de la taper et de vous la soumettre ! Beaucoup d'incohérences que ce soit dans le récit ou dans la syntaxe, mais c'est tellement drôle de relire tout ça ! Pis en plus j'avais même dessiné la couverture !



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Les Derniers jours de Mamie Bounéa

**Préambule.**

Mes chers enfants,
Voici mes derniers jours
mes dernières nuits,
la fin de ma vie.
Voici, je vous écris,
Toutes les histoires
Que j'ai vécues.
Koseta (amie de moi)
Vous enverra ce recueil.
Je vous aime tous.
Mamie Bounéa.

**Les Envies.**

Quatre ! Déjà quatre ans ! Depuis la mort d'Albert, mon défunt mari. Il me manque énormément. A mon âge, quatre-vingt-deux ans, on a peur de vivre seule, on a peur de la suite de notre vie ! C'est pour cela que j'ai envie de vivre mes derniers jours en liberté. Je veux partir, découvrir de nouvelles contrées, de nouveaux animaux, je veux…m'aventurer dans la jungle avec des indigènes ou des pygmées. Je veux finir ma vie en paix ! Je me souviens de la tribu dont Albert m'avait parlé lors d'un voyage au Congo, je crois qu'elle s'appelle les Libo-Libo ? Adieu les engins bruyants, énervants. Adieu la pollution qui pourrit ma vie. Je pars chez les pygmées, chanter, danser comme eux, je vais parler aux esprits de ces hommes afin que je puisse mourir en paix et vite. Je suis obligée de quitter mes amies et amis, ma famille ! Mais si je veux partir et me sentir libre, il n'y a pas d'autre solution ! Ce qui est sûr c'est qu'ils vont tous me manquer ! C'est normal : je les aime. Je sais ce que je veux à mon âge, mais je ne connais pas cette force mystérieuse qui me pousse à faire ce que je fais ! Je m'ennuie ici ! Tout le monde me connait, je suis têtue comme une mule ! Je vais partir ! Avant je dois écrire mon testament. Demain j'irai voir le notaire et je lui parlerai des mes intentions envers ma famille. Ensuite j'utiliserai pour la dernière fois mon téléphone pour commander un billet d'avion pour le Congo ! Youpi ! Je pars ! J'ai l'impression d'avoir vingt ans.

**Chez le notaire**

Je suis impatiente mais je me tiens bien, car je suis tellement énervée qu'une crise cardiaque pourrait bien m'emporter ! "Ding Dong" fait la sonnerie du notaire.
-Bonjour Monsieur Martin !
-Bonjour Madame Duponfière ! Comment allez-vous ce matin ?
-Bien ! Et vous ?
-Cela en est de même ! Que veut dire votre venue ?
-Vous savez que, une femme de mon âge est entre la vie et la mort ? Alors, j'ai envie de réaliser mon plus vieux rêve, voyager dans un autre pays, lointain si possible. Donc comme j'ai décidé de partir je viens faire un testament afin que mes biens soient également répartis dans ma famille.
-Et bien ! Voilà de bonnes résolutions ! Il va falloir remplir des papiers !
-Je soussignée Alphonsine Duponfière donner à mon fils Jacques 10% de ma fortune et ma cuisine entière, à ma fille Marie-Pierre 10% de ma fortune et mon salon entier, à mon gendre Serge 10% de ma fortune et mon alliance en or qu'il aimait beaucoup, à mes petits enfants qui sont au nombre de 7, 10% chacun de ma fortune, à mon ami Marcel ma maison et les meubles restant.
-C'est fait ? En entier ?
-Oui !
-Je suis votre témoin !
-J'en suis heureuse !
-Pourquoi ?
-Car je suis prête !
-Prête pour quoi ?
-Pour affronter la mort !

**Le départ en avion**

Paris-Congo départ dans une minute porte 4.
-Au revoir mes enfants ! Je vous aime ! Adieu Jacques, Marie-Pierre, Serge et mes petits enfants ! Je vous aime plus que tout !
-Mamie tu reviens quand ?
-Mon enfant, apprends que je ne reviendrai plus jamais !
-Pourquoi ?
-Parce que j'ai besoin de m'éloigner jusqu'à ce que je rejoigne Papi. Tu ne dois pas pleurer, je t'enverrai beaucoup de lettres !
-Je t'aime Mamie !
-Moi aussi, allez , ADIEU !

Je ne pus m'empêcher de pleurer, je quittais les personnes que j'aimais le plus au monde ! Mais ma tentation était trop forte !
Je déteste les engins polluants mais je dois dire que l'avion est l'une des inventions que je préfère ! Quand on a décollé, j'ai eu l'impression de monter vers toi Albert ! Et on monte chaque strate de nuage de plus en plus gros vers en haut ! Puis là, on voit une vraie mer de nuages où l'on ne peut nager ! On voit le soleil qui éclaire ce bel océan immense, parfois percé par de grandes pointes émergées. Dès que quelques cumulo-nimbus s'éloignent on aperçoit une mosaïque de différents paysages de couleurs "arc-en-ciel" : on découvre des montagnes, des petites villes, des forêts. C'est la beauté et la magie de la terre vue du ciel.
Je suis près de toi Albert ! Entre toi et les nuages !
Puis quelques minutes plus tard on aperçoit fier et belle la mer Méditerranée couvertes de petits points blancs dispersés sur toutes la surface observée. Est-ce des bateaux ? Puis plus loin on voit le plus grand désert du monde du nom de Sahara, si sec mais si majestueux ! Ses dunes sont des vagues formées par le vent et "quand on marche dessus on croit toucher la lune rien qu'en levant les bras" dit Michel Sardou dans une de ses chansons. Nous entrons maintenant dans une zone d'orage ?!?! J'ai horreur des turbulences ! Bouh ! Elles nous envahissent de peur, de frissons, de sensations mystérieuses et magnifiques à la fois !
L'atterrissage n'est pas du tout choquant, ni énervant ! A part que les bébés et les gens âgés comme moi attrapent des douleurs aux oreilles ! Mais elles finissent une fois sur terre. Pour descendre les gens sont vraiment impatients de retrouver leur pays. Des foules et des foules entières vous aplatissent comme des crêpes.
-Taxi, Taxi !
-Montez madame ! dit le chauffeur à l'accent Africain!
-Oh ! Merci beaucoup !
-Où est-ce-que je vous emmène ?
-A la tribu des libo-libo !
-Vous m'avez l'air bien active pour une octogénaire !
-Cela se voit tant que ça que j'ai quatre-vingt-deux ans ?
-Ici, on connaît les âges au premier coup d'œil, vous savez ! Ha ! Ha ! Ha !
-Ha ! Ha ! Ha !
-Comment connaissez-vous les Libo-Libo ?
-Et bien, il y a cinquante ans, mon mari faisait des voyages humanitaires et il a connu les Libo-libo vers 1946, par-là , oui !
-Où est votre mari ?
-Oh ! Il m'ouvre grand ses bras sur moi dans le ciel !
-Je suis désolé, je…
-Vous ne pouviez pas savoir ! C'est une grande ville ici ?
-Non ! Pas plus de 12 000 habitants !
-Je vois.
-Nous entrons dans la forêt ! Oh ! Regardez, un singe ! Les pygmées racontent qu'en montant aux arbres, les singes apportent les prières, les vœux et les messages aux Esprits.
-Intéressant.
-Je vous remercie, m'dame ! Cela fera 100 francs !
-Oh ! Je n'ai que 50 francs !
-C'est rien ! C'est bien parce que c'est vous, hein ?
-Merci ! Du fond du cœur !

**La tribu**

-Qui es-tu vieille femme blanche ?
-Je suis Alphonsine Duponfière, je viens finir ma vie dans votre tribu.

Les hommes de la tribu sont très accueillants ! Autour du village les arbres sont si grands que Mickael Jordan se trouverait microscopique à côté d'eux. Albert, vois-tu tout ce bonheur ?
-Vieille femme ! La tribu te renomme "Bounéa". Cela veut dire "Vieille femme tranquille qui fait rire les hommes". Wakamé ! Je suis Koséta, je suis ton amie, veux-tu être la mienne ?
-Bien sûr Koséta ! Quel joli nom ! Je me sens très honorée ! Je suis très près de la mort et je n'ai pas peur, c'est pour cela que je suis venue ici ! Je voulais vivre des jours passionnants. Mais que veut dire Koséta ?
-Il signifie "Bruit de la pluie sur la rivière chantonnant".
-C'est magnifique !

Le soir on doit prier les esprits pour la réalisation de nos vœux : tout le monde se met assis autour d'un grand feu et prie en dansant avec ses mains vers le ciel. Alors je prie pour te revoir Albert !
Ici les maisons sont simples mais assez solides. Les murs sont en torchis, une sorte d'argile avec de la paille et les toits ne sont qu'en paille. Une fois par semaine on se baigne tous dans un petit lac non loin du camp. L'eau et chaude, elle jaillit de la terre à 35 degrés. Les hommes des tribus disent que ces thermes mystérieux sont envoyés par les esprits. Le chef est un homme vieux et sage que tous les pygmées appellent "Boundawava" ou "L'homme qui est le maître". Il a des dessins difformes sur la figure et son torse est tacheté de points blancs. Il est aussi le sorcier : il défie les maladie, la mort, les esprits, les ennemies…On dit qu'il guérit de tout ! Alors peut-il me guérir de mon manque de toi Albert et de mon envie de mourir ?

**Quand la maladie s'acharne**

Le Congo étant un pays tropical et humide, il y a bien beaucoup de moustiques . Ils ont bien l'air innocent avant de nous piquer et ne connaissent pas la maladie mortelle qu'ils transportent et transmettent. Cette maladie c'est la malaria, le contre-poison, l'unique et le seul c'est la quinine ! Une épidémie de cette maladie s'est dispersée dans notre tribu. Pour la combattre, les femmes de la tribu et moi allons prier pendant que les jeunes hommes vont chercher de la quinine.
-Bounéa ! Bounéa !
-Oui, Tatewtew ?
-Ma fille, elle est malade ! Ma fille !
-Calme-toi ! Elle va guérir ! Tiwo ! Tiwo ! Ca va ? Allonge-toi ici et n'en bouge plus. Koséta ! Va me chercher des couvertures et de l'eau fraîche.
-Monowa (Maman), Monowa !
-Tiwo, Monowa est là ! Chut !

Et la maladie s'acharne. Elle va bientôt atteindre la tribu entière. L'état de Tiwo s'aggrave de jour en jour. Ils sont partis, les hommes courageux, depuis sept jours déjà.
Deux jours plus tard.
-Wakamé, Wakamé ! Nous sommes là ! Quinine ! On a la quinine !
Alors les femmes préparèrent une énorme marmite avec de l'eau et la quinine. Puis sur un grand feu de bois elles chauffent les potions magiques et apaisantes pour sauver la tribu d'une maladie pernicieuse. Je me souviens d'un poème d'Albert :

La maladie se soigne
Souvent par l'amour
Mais sans bons remèdes
Elle ne guérit jamais.

Le soir même autour d'un grand feu de bois, on a chanté des chansons et on s'est raconté plein d'histoires.

**L'inondation**

Aujourd'hui le temps à l'air bizarre, il va pleuvoir. Le ciel est si noir que même la cendre parait gris à côté.

-Il pleut, il pleut, protégez les toits, vite !
-Vite ! Bounéa, Koséta, fermez les fenêtres ! dit Tatewtew.

Or, il se trouve qu'à quelques mètres du village, il y a un petit torrent que les indigènes appellent "Aaca" ce qui signifie "bruit de l'eau sur les petits cailloux". Koséta m'a raconté que peu de temps avant mon arrivée, il y avait eut une grande inondation qui avait causé de graves dégâts matériels mais pas humains ! Et bien, je peux dire que je m'inquiète ! Le bruit de l'orage me frissonne toujours. Et cette lumière étincelante, éblouissante m'épate beaucoup. La nature fait de belles choses, mais ne sont-elles pas parfois dangereuses ?
La pluie tombe depuis deux heures et l'Aaca a un débit qui augmente. J'ai peur. Tout à coup une vague jaillit près de la rive mais ne nous atteint pas malgré les pluies torrentielles. Quelques minutes plus tard, je vois l'eau qui déborde petit à petit et qui commence à inonder le bord de la rive puis notre petite partie de forêt. Le village s'inonde, c'est sûr !

-Vite ! Partons ! Ça s'inonde !

Et toute la tribu se réfugia dans la tribu voisine. Le lendemain les dégâts étaient considérables : tout était boueaux, démoli, cassé mais le pire, c'était que presque tout était parti. Il ne restait que trois maisons et demi et nous sommes plus de trente dans la tribu : 10 maisons sont parties, englouties par les eaux.
-Wako de lavad ! (Il faut que cela s'arrête ) dit le chef qui parle sa langue et le français.
-Dewe, tew mowen toc minow (Tous les mois il pleut et on doit tout reconstruire).
-Tout le monde doit s'y mettre, dit Koséta.
-Il faut construire plus loin dit Tatewtew.
-Ayons du courage, dis-je.
-La parole des femmes est la meilleure dit le chef de la tribu.

Et tous les hommes se mirent à construire, faire le torchis, les toits, le temple des prières tout en bois. Ils reconstruisirent les cuisines et tout le village. En six semaines et demi tout était reconstruit, à plus de 200 m de l'Aaca pour ne plus subir ces vilaines et impitoyables catastrophes.

**Le mariage**

Koséta, mon amie, est célibataire depuis longtemps et Kinoaw aussi. Tous les gens du village aimeraient unir ces deux personnes dans les liens du mariage. Ils étaient très amis, mais autrement y avait-il aussi de l'amour ? Un jour nous les vîmes main dans la main et ils s'approchèrent de moi, et Koséta me dit :
-Nous allons nous marier !
-Oh !
-Hier nous avons découvert l'amour !

Les hommes et les femmes du village seront contents d'apprendre cela. Puis après l'annonce de la nouvelle, les indigènes et moi firent la fête. Le lendemain Caow, Koséta, Kinoaw et moi décidâmes de la date du mariage : dans sept matinées. Les préparatifs furent considérables ! Il fallait préparer la mariée, la scène, le "kewa" (la prière), les cadeaux porte-bonheur, les couleurs des plumes de pagne et la marmite de nourriture. Six matinées sont déjà passées et la tribu tout entière est impatiente.
Nous sommes sept matinées passées et le mariage a lieu dans trois minutes. Au milieu de la place du village, on voit Kinoaw qui danse en se tortillant, Koseta elle, court en tous sens. Son futur époux porte un pagne noir et elle, elle porte une mini robe. Ils ont tous deux sur la tête des plumes de toutes les couleurs et ils dansent. Les femmes de la tribu tournent autour de la scène en portant des légumes, des viandes et des fruits. Les hommes eux, sont accroupis plus près des mariées et laissent lèvent les bras en tous sens, c'est magnifique !
Puis nous mangeâmes, nous priâmes, je crois que Koseta est la femme la plus heureuse du monde ! D'après le calendrier et ma montre, nous sommes déjà en 1997 en France, le premier Janvier. Et bien dans 20 jours j'aurais 83 ans ! Et ce mariage fabuleux sera le symbole du premier janvier de mon calendrier 1997.

**Je suis malade**

J'ai un peu de fièvre aujourd'hui et mon cœur palpite, je crois que je suis malade.
-Koséta ! Pourrais-tu aller me chercher de l'eau fraîche à la rivière, je me sens mal !
-Qu'y a-t-il ? Bounéa, réponds-moi !
-J'ai sûrement un peu de fièvre, c'est tout.

Je ne tiens plus sur mes jambes, je suis faible et je n'ai pas faim. Je me pose des questions. Au milieu de l'après-midi, ma fièvre a augmenté.
-Viens vite ! Bounéa a un malaise !
-Ce n'est rien, c'est normal, je suis âgée !
-Caow est allé interrogé les esprits !
-Merci Koséta.
-Dors ma Bounéa, dors !
-Oui, je vais dormir, mais je dois un peu écrire.

Je n'avais qu'une petite indigestion. Je vais guérir, alors pourquoi s'en faire. Je me sens juste partir et pour moi c'est le bonheur ! Albert, j'arrive.

**Derniers soupirs**

Hélas depuis quelques jours, Mamie Bounéa souffrit beaucoup. Son corps était vide de joie, vide de forme, vide. Elle partait. Pendant cinq jours elle fut fort soignée dans l'hôpital de la ville et pourtant elle mourut très exactement pile poil 83 ans après sa mise au monde. Elle mourut à l'aube de son 83 ième anniversaire.
Evidemment la tribu fit une cérémonie extraordinaire à la vieille dame, ils chantèrent, dansèrent, pour eux l'enterrement devait se passer dans le bonheur car ils croyaient et croient encore que la mort c'est le moment le plus en paix de la vie, là oùon ne connaît ni malheur, ni douleur. C'est la liberté du corps et de l'esprit.
Mamie Bounéa, qui était une mamie casse-cou, a vécu pleinement et fièrement sa vie.


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