J’en appelle à l’automne, et à ses basques pendantes de terre et de racines. J’en appelle aux forêts hautes que je n’ai jamais connues, cimes hallucinées, clairières de faussaires entrecoupées, cimetières muets d’avant dont même l’odeur de mort s’est évanouie.
J’en appelle à ces bêtes qui font le silence, mes amies muette escorte de tout geste avorté, linceul final auquel j’aspire. Et à vous autres là haut, planant loin au-dessus de moi loin au-dessus de tout, quime racontent un ciel absent et menteur. Et à ce que le monde compte de larmes non versées chaque fois qu’une vie soupire sans s’éteindre. Et à la douleur qui n’est jamais souffrance.
J’en appelle à la terre brûlée de mon enfance, ramassée par poignées pleines, humée longuement la nuit dans le silence, respirée à chaque foulée rêvée. Je veux aussi la boue, son sillon palpitant, sa moiteur froide et effrayante, oui, qu’elle se lève à son tour, qu’elle sourde de sous la terre pour recouvrir tout. Nous y lirons nos pas.
J’en appelle à toi, l’automne ô mon ami fauve, l’espoir craquant de tous mes rêves enfuis. Descends sur les hommes et pénètre-les. Fais d’eux ce que tu as fait de moi, l’être sans ombre, que chacun soit et fantôme et nuit, que chacun meurt un peu de te voir naître. Que l’aveugle enfin se sache vision de tous.