Ce qui est redonné

Publié le 27 septembre 2010 par Cecileportier

Devant eux, jeunes gens, je parlais. Tandis que, je sentais venir à moi, par l'arrière du crâne, ou plutôt par dessus l'épaule, comme ces liseurs impolis, une sensation ancienne et incongrue.  J'étais trop occupée à parler pour mettre un nom dessus, une origine, un contexte. Savais seulement que vraiment ça n'avait rien à voir. Ou presque.

Je parlais, je regardais ces grands corps posés sur les chaises, et les chaises démontraient à quel point elles n'étaient pas faites du tout pour cela, recevoir des corps d'adolescents. Eclatait l'évidence que ces corps là sont pour être débout ou allongés, mais pas du tout pliés.

Je parlais, je regardais leurs visages lisses, pas encore tout à fait déployés, et leurs paupières majoritairement baissées avaient quelque chose de beau et de décourageant.

Je cherchais l'origine de cette sensation renouvelée, rééprouvée dans cette situation de leur parler, et je me disais qu'ils n'étaient pas du tout comme des vases qu'on remplit. Ni non plus comme des boites fermées.

Je parlais comme une très longue pluie, me semble t-il, qu'on doit subir sans désagrément majeur. Pensant cela j'ai retrouvé l'adéquation d'avec la sensation ancienne. C'était celle de toucher les feuilles d'un bananier. Ca pousse très vite pareil, mais ce n'est pas tant ça, c'est surtout ce côté faussement imperméable de la feuille. Tout lui glisse dessus, dirait-on. Mais un matin on effleure une feuille en passant, et c'est la feuille qui cette fois-ci vous fait tomber dessus la pluie qu'elle a fabriqué seule dans la nuit.