Agile comme un serpent, Ahmed s'engagea le premier dans l'étroite ouverture. Quelques secondes plus tard, il atteignait le fond du puits. Honneur aux femmes, même travesties en homme, je fus la deuxième à descendre dans les entrailles de la terre. À mi-chemin, je glissai sur la corde élimée. Suspendue dans la pénombre, j'attendis que l'échelle cessât ses mouvements de balancier pour reprendre ma descente. Lorsque Louis et Henri nous eurent rejoints, Ahmed distribua les flambeaux. À sa suite, nous rampâmes dans un étroit conduit qui se rétrécit avant d'aboutir dans une première salle aux murs écaillés, jadis couverts de hiéroglyphes et de fresques.
Les pilleurs qui nous avaient précédés avaient achevé le travail entrepris par le temps en martelant les murs au burin pour en extraire des fragments. Des centaines d'éclats jonchaient le sol comme autant de pièces d'un puzzle, dont certaines manquaient ou étaient en miettes. J'éclairai les parois pour déchiffrer les inscriptions restantes. Les textes n'avaient pas été saccagés comme les peintures funéraires, dont il ne restait qu'un ciel bleu nuit parsemé d'étoiles au plafond. Je remplis un sac entier de fragments, peut-être pourrais-je un jour en assembler quelques-uns, puis recopiai scrupuleusement les colonnes d'hiéroglyphes susceptibles d'être traduites.
Anxieux, Ahmed montait la garde. Louis, de son côté, explorait chaque recoin à la recherche d'objets oubliés, d'une cache, d'une fente dans les murs, le sol ou le plafond, d'un passage ou d'un orifice. Henri, à genoux, balayait le sol avec une brosse de crin. Il déterra ainsi un oushebti sans tête et la moitié d'une cuillère à khôl
, qu'il rangea dans des étuis garnis de coton, avant de reprendre son minutieux nettoyage. Quand Louis brisa le silence en lançant un formidable juron, je relisais mes notes. Sidérée, j'étais toute disposée à le sermonner lorsque j'aperçus, sous sa main, l'extrémité d'une large crevasse qui courait dans la pierre. Nous le rejoignîmes aussitôt. Un souffle d'air chaud s'échappait de l'ouverture. J'approchai une torche, la flamme oscilla. Nous déplaçâmes quelques gravas, puis piochâmes la terre durcie qui obstruait l'entrée d'un boyau, beaucoup plus étroit que le précédent. En tendant une torche, on apercevait un coude au fond du tunnel. Livide, Ahmed refusa d'entrer, menaçant de rentrer seul avec les bêtes si nous refusions de le suivre. Louis s'entretint longuement avec lui avant qu'il n'acceptât, moyennant quelques frais supplémentaires, de nous attendre dans la salle principale. Conscients d'encourir l'ire des dieux, si nous violions une sépulture où personne n'était jamais entré, nous pénétrâmes un à un dans l'artère rocailleuse.
; dans un autre, une table, des chaises et le papyrus. Au rythme de la semelle d'Ahmed qui battait la terre en épiant jusqu'aux froissements de l'air, nous fouillâmes méticuleusement les lieux à la recherche d'autres richesses, mais la chambre funéraire paraissait ne rien receler d'autre.
Nous reprîmes toutefois nos activités respectives. En balayant scrupuleusement le sol, Henri découvrit deux autres amulettes, une croix de vie ankh et un cœur ib, ainsi qu'un miroir en argent au manche finement ciselé. Louis, qui inspecta chaque paroi, fissure, pierre et monticule de terre, exhuma trois boucles appartenant à l'ornement d'un harnais en or. Comme nous ne voulions pas détruire les murs pour en ôter des fragments, je recopiai avec application tant les fresques que les inscriptions sur mon carnet, renonçant à regret à l'éclat des couleurs que je dus décrire succinctement. Sur chaque mur, une fresque différente mettait en scène le défunt. Tantôt il se présentait devant Osiris, une fleur de lotus à la main, tantôt, debout sur une barque, il chassait au harpon l'hippopotame. Ces fresques monumentales étaient miraculeusement intactes.
Soudain, Louis poussa un nouveau juron. Debout devant une liste d'offrandes funéraires, il regardait avec effroi sa main, enfoncée dans le mur jusqu'au coude.
La tombe est-elle piégée?... Suite au prochain épisode!