Nous possédons des goûts, des convictions, des valeurs que nous défendons plus ou moins farouchement. Ces éléments constitutifs de notre personnalité, loin de former un tout homogène, sont source d'incohérences que l'on nomme affectueusement, et pour éviter toute douloureuse remise en question, "petites contradictions". Notre esprit étant un bric-à-brac d'influences, d'expériences et de déterminismes divers, l'aspect chaotique de notre personnalité est donc compréhensible. Mais que la chose soit "normale" ne signifie pas qu'il ne faille rien y faire. Je suis persuadé (peut-être l'êtes-vous aussi) qu'une partie du mal être de beaucoup de monde découle du sentiment de culpabilité, refoulé ou non, né de la friction entre pensées antagonistes. Refuser de régler le problème sous prétexte qu'il s'agit après tout de votre "personnalité" (et que par conséquent c'est comme ça, vous n'y pouvez rien) soulage sur l'instant mais se révèle néfaste sur le long terme, car avec le temps l'esprit perd de sa flexibilité, de sa malléabilité, devenant à terme inapte au changement. Il est donc essentiel de s'intéresser à ces "petites contradictions" qui sont comme l'écharde dans le pied: minuscule (en apparence en tout cas), et pourtant vous ne pouvez avancer sereinement sans y penser. Diriez-vous que l'écharde fait partie intégrante de votre pied et que vous n'y pouvez rien?...
En simplifiant nous pouvons distinguer deux facettes de notre "personnalité": notre moi profond et notre persona. La première entité correspond à ce qui est inaccessible aux autres (inconscient et conscient), la deuxième étant ce masque que nous mettons en public, ce que les autres voient de nous. Notre être profond est le fruit de multiples déterminismes (biologiques, sociaux, familiaux…) et de multiples accidents de notre existence. Notre persona quant à elle est une simple représentation, une construction née de nos attentes et de celles de notre entourage ; elle correspond donc à une forme "idéalisée" de notre personnalité. De cette antinomie naissent de nombreux conflits internes. Comme tout le monde je me suis construit une persona, mais cette construction étant artificielle il était alors inévitable que naissent des frictions entre elle et le bric-à-brac de mon esprit. Quel parti prendre? Me fallait-il jeter ce "masque" et m'abandonner à cette chose baroque qu'est mon moi profond, ou au contraire fallait-il nier ce dernier et "devenir" mon masque? Cette alternative était bien évidemment trompeuse, car elle laissait croire qu'il n'existait pas d'autre solution. Pourtant, j'ai fini par entrevoir une autre voie, celle d'une collaboration entre ces deux acteurs. L’objectif étant, en supprimant les principales frictions, de les faire converger, d’harmoniser leurs relations. Il ne s'agit donc pas de choisir l'un ou l'autre, mais d'effectuer un travail sur les deux: remodeler notre persona en éliminant les éléments bien trop éloignés de notre moi profond et œuvrer sur ce dernier afin de le faire davantage correspondre à nos aspirations humaines/spirituelles/(…).
Il y a à peu près un an de cela j'arrêtais définitivement de consommer Coca et Mac do (exemple trivial certes, mais exemple assez révélateur). J'étais complètement accroc à ces marchandises, et la force de l'habitude n’arrangeait pas les choses. De bien maigres circonstances atténuantes, insuffisantes en tout cas pour justifier le maintient d’une situation hypocrite. En effet d'un côté je tenais des propos ma foi sincères contre l'uniformisation culturelle, le formatage des esprits, les multinationales et leurs méthodes douteuses (…) ; et d'un autre côté je mâchouillais tranquillement mon Big-Mac en l'arrosant d'une gorgée de Coca. Je tenais là une belle incohérence! Cette "petite contradiction" était cause d’un malaise diffus mais tenace. L'arrêt de la consommation de ces produits était donc important, car il s'agissait là d'une action symbolique dans ma quête de cohérence. Quête qui ne se limite bien évidemment pas à une simple question de consommation, mais cet exemple, de part son aspect commun, illustre bien ce problème d’inconséquence.
Ma démarche est, en premier lieu, bien plus égoïste qu'idéologique ; objectif : sérénité. Une fois atteinte celle-ci me permet d'avancer sur le plan personnel en me permettant d’utiliser au mieux mon temps et mon énergie (pour au final, si possible, gagner en sagesse). Bien qu'égoïste au départ ce « programme cohérence » finit par être profitable à mon entourage dans la mesure où j'élimine petit à petit mon hypocrisie et leur offre davantage de sincérité.
Je vous encourage donc à ne pas considérer vos "petites contradictions" comme fatalement indissociables de votre personnalité, mais comme un frein à votre sérénité et à l'honnêteté de vos rapports aux autres. Toutefois, cette quête de cohérence ne doit pas être vécue comme une obligation, sous peine de créer davantage de frictions. Au contraire vous ne devez l'entreprendre que si vous en ressentez profondément la nécessité. Après tout il s’agit d’un travail de construction, de création, à accomplir dans la joie ; et non d’un acte de destruction fait de sacrifice et d’auto-flagellation…