en prendre de la graine

Publié le 24 mars 2010 par Plumaplumbum


C’est avec une joie non dissimulée que j’accueille l’arrivée du printemps et l’apparition des premiers bourgeons. Au-delà du plaisir contemplatif que j’en retire cette période est aussi pour moi l’occasion de quelques expériences d’horticulture.

Quand je dis à mes amis que je jardine ceux-ci me voient en salopette verte, coiffé d’un chapeau de paille, en train de planter choux, carottes, tomates. Du coup quand je leur réponds que je n’ai pas de potager le doute s’installe : à quoi cela peut-il bien me servir de jardiner si je n’en tire aucun bénéfice? Je ne me formalise pas de ce genre de remarques, qui après tout correspondent bien à notre époque où tout ce qui n’est pas utile à l’homme, tout ce dont on ne peut tirer de bénéfices, est considéré comme suspect. Néanmoins, il me faut avouer que cette activité n’est pas totalement désintéressée. L’intérêt étant juste d’un autre ordre que purement matériel.

Entretenir un petit jardin en zone urbaine est un moyen simple d’avoir un bout de nature à portée de regard, de pouvoir l’observer à travers les saisons, d’en tirer un plaisir contemplatif permanent. Plaisir d’autant plus grand que le jardinier n’est pas uniquement spectateur mais aussi organisateur, sélectionneur, soigneur etc. Activité très égoïste au final mais pas uniquement. En effet je me suis fixé un but que je prends très au sérieux : créer une oasis de biodiversité en zone semi-urbaine. Pour cela je privilégie les plantes que le jardinier aseptisant appelle « mauvaises herbes » pour les simples raisons qu’elles s’installent sans permission, qu’elles sont très vigoureuses et envahissantes. Pourtant, quand on s’y intéresse on remarque qu’elles sont souvent belles, d’un réel intérêt pour l’écosystème et bourrées de propriétés médicinales. On ne peut pas en dire autant de la majorité des « bonnes herbes » que l’on retrouve dans la plupart des jardins (qui à y regarder de plus près sont souvent des déserts de biodiversité. Rien ne m’attriste plus qu’un jardin taillé au scalpel où l’on trouve à peine deux fourmis, une abeille et quelques mouches)… Depuis plusieurs années je constate une légère différence dans mon petit carré de verdure : plus d’insectes (en quantité et en diversité), plus d’oiseaux et des plantes qui semblent plus saines. Ce qui m’encourage à poursuivre dans cette voie...

Je fais ma sélection en pleine nature où je privilégie les plantes mellifères, vigoureuses, qui poussent facilement et qui ont, si possible, un intérêt esthétique (bien entendu je ne touche pas aux plantes protégées). Il m'arrive aussi de jouer au nettoyeur en débarrassant le jardin de mes proches de leurs "indésirables".

Mon petit bout de terre est loin de ressembler à une jungle, pas encore en tout cas, c’est un travail de longue haleine. Il est évidemment plus difficile de sélectionner les spécimens en nature, d’attendre la bonne période pour collecter des graines que de faire une razzia de plantes adultes en jardinerie que l’on fait croître à grand coup d’engrais chimiques. Mais je ne suis pas pressé, c’est un réel plaisir de voir ce jardin s’étoffer d’année en année…

Au passage je recommande à tous les anxieux de pratiquer cette activité, apaisante au possible. Cela dépasse même la simple détente tant ce modeste contact avec la nature procure un bien-être incomparable (j'entends déjà râler les citadins : amis de la ville il ne vous est pas impossible d’installer quelques pots en bord de fenêtre, de récolter les petites plantes délaissées qui poussent entre les pavés et d’observer le va et vient des insectes dans la micro-oasis que vous venez de créer. De plus je trouve cela d’un réel intérêt éducatif pour ceux qui ont des enfants).

En attendant il est peut-être un peu tôt pour planter en pleine terre, le risque de gelées n’étant pas encore tout à fait écarté (là où j’habite en tout cas). Durant le mois à venir ma chambre se transforme donc en pépinière, mais aussi en laboratoire :

Si vous n’êtes pas spécialiste vous devez accepter la « connaissance » et faire confiance à ceux qui vous apportent les réponses. L’horticulture est donc pour moi l’occasion de redécouvrir de façon empirique un savoir pourtant facilement trouvable. Je pourrais accepter l’information telle quelle mais l’occasion est trop belle de découvrir cela par moi-même. En ce moment j’expérimente donc sur une dizaine d’espèces dont les graines ont été divisées en groupes : passage ou non au froid, passage ou non dans l’eau (...) combien de temps avant la première pousse, quelle vitesse de croissance, quel pourcentage de réussite? Je ne dispose pas de beaucoup de place, il me faut donc limiter mes expériences. A l’avenir je testerai sans doute différents types de terre, différentes profondeurs de plantation, différentes quantités d’arrosage... Démarche qui n’à aucune prétention scientifique mais plutôt pour objectif de constituer, par l’expérience, un petit savoir qui bien que modeste n’en procure pas moins un réel plaisir. Et puis quoi de plus beau et fascinant que la transformation d’une minuscule graine en une plante magnifique.

Notre société blasée gagnerait en sérénité à « ré-enchanter le monde » ; à rétablir un contact, fut-il ténu, avec la nature. Mais pour cela il est nécessaire de ranimer le feu de la curiosité qui bien trop souvent s’éteint au sortir de l’enfance…