Magazine Journal intime

Le coup des meubles en kit

Publié le 30 septembre 2010 par Stella

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Je me suis payée un bon fou rire, ce matin, à la réception de la copie d’une lettre qu’une mienne camarade vient d’envoyer au directeur d’un grand fabriquant de meubles en kit. Je hais les meubles en kit. D’abord j’ai tendance à ne rien comprendre aux modes d’emploi, qui sont en général écrits en néerlandais et seulement traduits en slovène… Ensuite, je n’ai jamais les bons outils, le fichu machin vaguement cruciforme livré avec le kit ayant pour seul objectif dans la vie que de disparaître de mes yeux sitôt les premiers éléments assemblés.

Mais voici (un extrait) de ce que qu’écrit cette mienne amie :

“Monsieur le Président,

Toute étagère est destinée à se remplir, inexorablement. Impossible de jeter le moindre livre, ni même le moindre papier : on ne sait jamais, ça pourrait servir. Alors je rentre de votre magasin, où je suis allée acheter trois étagères Machin. Savez-vous que cela fait vingt-trois ans que j’achète chez vous des étagères Machin ? Les premières datent de 1987, date historique de la location de mon premier appartement à Paris et des premiers meubles qui ne soient pas de la récupération familiale. Une vraie fierté : trois étagères de plus de deux mètres pour accueillir mes livres et, qui plus est, ma (première) télévision achetée à crédit.

Ces étagères-là, Monsieur le Président, ont vécu douze déménagements sans faillir. Je les ai pieusement démontées avec les vis, les chevilles et le reste, que j’ai soigneusement placés dans une boîte de Nesquik pour ne rien perdre. Gad Elmaleh a raison et je me méfie : s’il a une pièce en trop à la fin de son sketch, c’est qu’il risque de m’en manquer une !

Mais j’ai commencé à me douter de quelque chose quand j’ai racheté des caissons de bureau Bidule : un aggloméré vaguement tassé et recouvert de plastique blanc tenait lieu et place de novopan mélaminé. Il m’a donc fallu recoller les tiroirs au bout de deux mois. Quand j’ai racheté des Machin il y a quelques années, même constat : le plaquage s’était affiné jusqu’à présenter une susceptibilité maladive à la moindre éraflure, et le système de fixation solide était remplacé par des sortes de vis qui fendaient le plaquage dès qu’on commençait à visser. La qualité baisse, m’étais-je dit.

Soupçon confirmé aujourd’hui : la génération 2010 des étagères Machin n’a rien à voir avec ses ancêtres de 1987.
Le revêtement plastique a remplacé celui en bois : plus la peine de caresser fièrement son ouvrage une fois monté, on a l’impression de palper un Tupperware. C’est encore plus vrai avec le fond : vous savez, le coin de la boite qui n’arrive jamais à entrer dans la rainure du couvercle ? Eh bien, c’est exactement ça, exaspération garantie. Ce fond a été réalisé en trois volets tenus par du… scotch - épais je vous le concède - par conséquent : faire rentrer un fond à trois volets dans une rainure droite de 1,5 mm de large ressemble à ces jeux idiots où il faut arriver à caler les 3 billes dans les trous des deux yeux et de la bouche du chat ! C’est rigoureusement impossible seul. Bien sûr, il s’agit de meubles familiaux et dans l’esprit des concepteurs, leur montage doit être un agréable passe-temps collectif de week-end, non une obligation solitaire de semaine pour auto-entrepreneur stressé… J’en terminerai avec les bitoniots de fixation, chez qui l’insulte s’ajoute à l’outrage : non seulement la vis continue à faire éclater le plaquage, mais le contre-écru est maintenant en plastique, coulé dans un moule approximatif (ou alors c’est le diamètre du trou qui est approximatif) bref, tantôt ça rentre tout seul et tantôt il faut marteau et tournevis spécial pour arriver à forcer et fixer le tout.

Comme pour les caissons Bidule, chaque génération de Machins amène son lot d’innovations pour réduire les coûts. « Ils nous les feront bientôt en carton » grommelé-je la dernière fois. Procès d’intention me dites-vous ? Pas du tout ! Une affiche 3 x 4 proclame à l’entrée du magasin que maintenant les meubles sont remplis d’un système alvéolaire révolutionnaire en carton, une idée qui est venue aux designers en visitant une usine de portes. Ces alvéoles en carton présentent l’avantage d’être aussi résistants et beaucoup plus légers – un double avantage, j’en conviens, pour la signature carbone de transport et pour le recyclage. Logique, me dis-je : comme il est évident que ces meubles ne pourront pas assumer les douze déménagements de leurs prédécesseurs (eh oui, messieurs les designers, les portes, elles, ne déménagent pas), il convient en effet qu’ils quittent ce bas-monde sans pollution excessive.

Moi qui m’imaginais qu’il s’agissait d’une bête course à la réduction des coûts et à l’augmentation des profits : que nenni… C’est du développement durable ! Me voilà rassurée.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma parfaite considération.”


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LES COMMENTAIRES (1)

Par plan dressing
posté le 14 août à 17:44
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