Saint Boniface souffrit le martyre, sous Dioclétien et Maximien, dans la ville de Tarse, mais il fut enseveli à Rome sur la voie latine.En ces jours de fêtes qui manquent bien souvent de retenue, voici la vie émouvante de deux saints qui sont fêtés aujourd'hui.
C'était l’intendant d'une noble matrone appelée Aglaé. Ils vivaient criminellement ensemble, mais touchés l’un et l’autre par la grâce de Dieu, ils décidèrent que Boniface irait chercher des reliques des martyrs dans l’espoir de mériter, au moyen de leur intercession, le bonheur du salut, par les hommages et l’honneur qu'ils rendraient à ces saints corps.
Après quelques jours de marche, Boniface arriva dans la ville de Tarse et
s'adressant à ceux qui l’accompagnaient : « Allez, leur dit-il, chercher où
nous loger, pendant ce temps j'irai voir les martyrs au combat ; c'est ce que
je désire faire tout d'abord. » Il alla en toute hâte au lieu des exécutions et
il vit les bienheureux martyrs, l’un suspendu par les pieds sur un foyer
ardent, un autre étendu sur quatre pièces de bois et soumis à un supplice lent,
un troisième labouré avec des ongles de fer, un quatrième auquel on avait coupé
les mains, et le dernier élevé en l’air et étranglé par des bûches attachées à
son cou.
En considérant ces différents supplices dont se rendait l’exécuteur un bourreau
sans pitié, Boniface sentit grandir son courage, et son amour pour Jésus-Christ
et s'écria : « Qu'il est grand le Dieu des saints martyrs! » Puis il courut se
jeter à leurs pieds et embrasser leurs chaînes : « Courage, leur dit-il,
martyrs de Jésus-Christ ! Terrassez le démon, un peu de persévérance ! Le
labeur est court, mais le repos sera long ensuite, viendra le temps où vous
serez rassasiés d'un bonheur ineffable. Ces tourments que vous endurez pour
l’amour de Dieu n'ont qu'un temps, ils vont cesser et tout à l’heure, vous
passerez à la joie d'une félicité qui n'aura point de fin, la vue de votre roi
fera votre bonheur, vous unirez vos voix au concert des chœurs angéliques, et
revêtus de la robe brillante de l’immortalité vous verrez du haut du ciel vos
bourreaux impies tourmentés tout vivants dans l’abîme d'une éternelle misère.
»
Le juge Simplicien, qui aperçut Boniface, le fit approcher de son tribunal et
lui demanda :
— Qui es-tu ?
— Je suis chrétien, et Boniface est mon nom.
Alors le juge en colère le fit suspendre et ordonna de lui écorcher le corps
avec des ongles de fer, jusqu'à ce qu'on vit ses os à nu ; ensuite il fit
enfoncer des roseaux aiguisés sous les ongles de ses mains. Le saint martyr,
les yeux levés au ciel, supportait ses douleurs avec joie. A cette vue, le juge
farouche ordonna de lui verser du plomb fondu dans la bouche. Mais le saint
martyr disait : « Grâces vous soient rendues, Seigneur Jésus-Christ, Fils du
Dieu vivant. »
Après quoi, Simplicien fit apporter une chaudière qu'on emplit de poix. On la
fit bouillir et Boniface y fut jeté la tête la première. Le saint ne souffrit
rien. Alors le juge commanda de lui trancher la tête. Aussitôt un affreux
tremblement de terre se fit ressentir et beaucoup d'infidèles, qui avaient pu
apprécier le courage de cet athlète, se convertirent.
Cependant les compagnons de Boniface le cherchant partout et ne l’ayant point
trouvé, se disaient entre eux : « Il est quelque part dans un lieu de débauche,
ou occupé à faire bonne chère dans une taverne. » Or, pendant qu'ils devisaient
ainsi, ils rencontrèrent un des geôliers.
— N'as-tu pas vu, lui demandent-ils, un étranger, un Romain ?
— Hier, un étranger a été décapité dans le cirque.
— Comment était-il ? C'était un homme carré de taille, épais, à la chevelure
abondante, et revêtu d'un manteau écarlate ?
— Eh bien, celui que vous cherchez a terminé hier sa vie par le martyre.
— Mais, l’homme que nous cherchons est un débauché, un ivrogne.
— Venez le voir, dit le geôlier.
Quand il leur eut montré le tronc du bienheureux martyr et sa tête précieuse,
ils s'écrièrent : « C'est bien celui que nous cherchons veuillez nous le
donner. » Le geôlier répondit : « Je ne puis pas vous délivrer son corps
gratuitement. » Ils donnèrent alors cinq cents pièces d'or, et reçurent le
corps du saint martyr qu'ils embaumèrent et renfermèrent dans des linges de
prix. Puis l’ayant mis dans une litière, ils revinrent pleins de joie et
rendant gloire à Dieu.
Or, un ange du Seigneur apparut à Aglaé et lui révéla ce qui était arrivé à
Boniface. A l’instant, elle alla au-devant du saint corps et fit construire, en
son honneur, un tombeau digne de lui, à une distance de Rome de cinq
stades.
Boniface fut donc martyrisé en 290 à Tharse, métropole de la Cilicie, et
enseveli à Rome.
Quant à Aglaé, elle renonça au monde et à ses pompes : après avoir distribué
tous ses biens aux pauvres et aux monastères, elle affranchit ses esclaves, et
passa le reste de sa vie dans le jeûne et la prière. Elle vécut encore douze
ans sous l’habit de religieuse, dans la pratique continuelle des bonnes œuvres
et fut enterrée auprès de saint Boniface.