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Créer le réel

Publié le 01 octobre 2010 par Perce-Neige
Créer le réel

Cécile Guilbert, que l’on retrouvera, avec infiniment de plaisir, sur le site de D-Fiction (la vidéo d’Isabelle Rozenbaum est superbe), écrit ceci, dans « Sans entraves et sans temps morts » (Ed. Gallimard) : « Or, contrairement à un préjugé courant, les mots ne servent pas à décrire la réalité mais à créer du réel. Ce sont eux qui confèrent l'être aux choses. Ils ne sont pas un miroir du monde mais un chaudron magique d'où ce dernier peut toujours surgir, à l'instar de l’« opéra fabuleux» issu de l’« alchimie du verbe» dont parle Rimbaud. Les mots ne sont pas exactement le reflet des choses car chacun possède des sonorités, une couleur, une texture qui lui est propre. Savamment combinés entre eux, mots et phrases peuvent créer de la musique, un tableau, des senteurs. « Mots, comme des fleurs », dit Hölderlin. Et tel est aussi le sens des célèbres Correspondances baudelairiennes où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent », chantant «les transports de l'esprit et des sens ». Du coup, la fameuse question du genre tombe comme une vieille défroque. Roman, récit, essai, poème... qu'importe le flacon si seule importe l'ivresse? Et qu'importe même que les auteurs soient contemporains ou non puisqu'on ne lit jamais les classiques qu'au présent? Après tout, les trésors de la langue ne sont l'affaire que de l'écrivain et du lecteur, ce duo formant à lui seul une sorte de société secrète conjurée dans le clair-obscur de la Bibliothèque. Voici donc un superflu très simple et très proche, tellement simple et proche qu'il semble insoupçonnable. « Prends et lis », a soufflé Dieu à saint Augustin avant sa conversion. Prends et lis: la plus grande liberté est ici - le plus grand luxe, aussi. »


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