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Les premiers chrétiens : les persécutions (4)

Publié le 01 octobre 2010 par Hermas

SECTION II : LES PERSECUTIONS DU DEUXIEME SIECLE


1. Un groupe illicite mais, au fond, inoffensif


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En l’an 111, Pline le jeune, gouverneur de Bithynie, sur les bords de la Mer Noire, revenait d’une inspection de sa riche et peuplée province lorsqu’un incendie dévasta la capitale, Nicomédie. Beaucoup auraient pu être sauvés s’il y avait eu des pompiers.


Pline s’adresse alors à l’Empereur Trajan (98-117) : « C'est à vous, seigneur, à examiner s'il serait bon d'y établir une communauté de cent cinquante hommes (fabri) ; j'aurai soin que l'on n'en reçoive point qui ne soit de la qualité nécessaire et que l'on n'abuse point de cette institution; et il ne sera pas en effet difficile de contenir un aussi petit nombre ». Trajan lui répond en rejetant cette initiative : « N'oublions pas que cette province, et principalement les villes, ont été fort troublées par ces sortes de communautés. Quelque nom que nous leur donnions, quelque raison que nous ayons de former un corps de plusieurs personnes, il se fera des assemblées, quelque courtes qu'elles soient. Il est donc plus à propos de se munir de tout ce qui est nécessaire pour éteindre le feu, d'avertir les maîtres de maison d'y prendre soigneusement garde, et de se servir des premiers qui se présenteront, quand le besoin le demandera » (Livre 10, Lettres 42-43). La crainte des “hétairies” [nom grec donné aux “associations” (1)] l’emporta ainsi sur celle des incendies. Le phénomène était ancien. Les associations, de quelque nature qu’elles soient, qui se transformaient en groupes politiques avaient conduit César Auguste à interdire toute forme d’association en l’an 7 avant Jésus-Christ (2) : « Quiconque établit une association, sans autorisation spéciale, est passible des mêmes peines que ceux qui attaquent à main armée les lieux publics et les temples ». Cette loi était toujours en vigueur, mais les associations se développaient toujours : des bateliers de la Seine aux médecins d'Avenches, des marchands de vin de Lyon aux trompettistes de Lamesi, tous défendaient leurs intérêts en faisant pression sur les pouvoirs publics.


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Pline [image ci-jointe] ne tarda pas à appliquer l’interdiction des hétairies à un cas particulier qui lui fut présenté à l'automne 112. Les chrétiens étaient nombreux en Bithynie. Il s’agissait « d’un très grand nombre de personnes de tout âge, de tout ordre, de tout sexe (...). Ce mal contagieux n'a pas seulement infecté les villes, il a gagné les villages et les campagnes », écrit-il à l'Empereur. Il continue en disant avoir reçu des plaintes de fabricants d'amulettes religieuses, gênés par les chrétiens qui prêchaient l’inutilité de ces bibelots. Il avait institué une sorte de procédure pour bien établir les faits, et il avait découvert que les chrétiens « à un jour marqué, s'assemblaient avant le lever du soleil, et chantaient tour à tour des vers à la louange de Christ, comme s'il eût été dieu ; qu'ils s'engageaient par serment, non à quelque crime, mais à ne point commettre de vol, ni d'adultère ; à ne point manquer à leur promesse ; à ne point nier un dépôt : qu'après cela ils avaient coutume de se séparer, et ensuite de se rassembler pour manger en commun des mets innocents ». Les chrétiens n'avaient pas abandonné ces réunions, même après l'édit du gouverneur qui insistait sur l'interdiction des hétairies.


Poursuivant sa lettre (10, 97), Pline rapporte à l’Empereur qu’il ne voit en toutes ces choses rien de mauvais. Cependant, le refus d’offrir de l’encens et du vin aux statues de l’Empereur lui semble un acte de raillerie sacrilège. Il parle de l’obstination de ces chrétiens comme d’un « entêtement de folie ».


Il résulte clairement de cette lettre que les accusations absurdes d’infanticide rituel et d’inceste ont cessé. Il reste celles du « refus d'adorer l'empereur » (et donc de crime de lèse-majesté), et de constitution d’hétairies. L'Empereur répondit : « Il n'est pas possible d'établir une forme certaine et générale dans cette sorte d'affaires (...) : s'ils sont accusés et convaincus, il les faut punir. Si pourtant l'accusé nie qu'il soit chrétien, et qu'il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant les dieux, il faut pardonner à son repentir, de quelque soupçon qu'il ait été auparavant chargé » (Lettre 10, 98). En d'autres termes, Trajan encourage à fermer les yeux sur eux : ils sont un hétairie inoffensive comme les bateliers de la Seine et les marchands de vin de Lyon. Mais compte tenu de ce qu’ils pratiquent « une mauvaise superstition portée à l'excès » (ainsi en juge Pline et d’autres intellectuels de son temps, comme Epictète) et continuent de refuser le culte rendu à l'Empereur (et se considèrent, par conséquent, comme des “étrangers” à la vie civile), on ne peut pas tout accepter. S'ils sont convaincus d’être chrétiens, ils doivent être condamnés. Il énonce ainsi ce principe, quoique de manière moins abrupte : « Il est illicite d'être chrétiens ». Ont été victimes de cette période, avec certitude, Siméon, évêque de Jérusalem, crucifié à l'âge de 120 ans, et Ignace, évêque d'Antioche, emmené à Rome, comme citoyen romain, et exécuté. La même politique envers les chrétiens fut utilisée par les empereurs Hadrien (117-138) et Antonin le Pieux (138-161).

(à suivre)

__________

Notes

(1) Ndt : en latin : collegia.

(2) Ndt : Jules César avait lui-même pris une mesure identique, ainsi que le rapporte Suétone : « César fit dissoudre toutes les associations, hormis celles dont l'institution remontait aux premiers âges de Rome » (Vie des douze Césars, Jules César, 42).

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