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(8) La momie sans sarcophage

Publié le 04 octobre 2010 par Luisagallerini
(8) La momie sans sarcophage


En fouillant la cavité à l'aveuglette, ses doigts rencontrèrent quelque chose de mou et de poussiéreux, comme un tissu desséché mélangé à de la terre ou à du sable. Il retira son bras et examina les contours de la niche. La fissure où il avait introduit sa main longeait très exactement le trait d'un dessin représentant le socle de la déesse Maât. Je me positionnai quelques pas plus loin, à l'autre extrémité de la figure, et Henri entre nous deux, au centre. Ensemble, nous poussâmes le bloc, en vain. J'eus alors l'idée suivante, basculer la dalle en appuyant sur la partie haute du socle.

Dans un nuage de poussière rousse, la pierre coulissa comme je l'avais pressenti, révélant une momie sans sarcophage, emmaillotée dans un linceul noirci, tellement sec qu'il paraissait aussi fragile que du verre. Derrière elle, une urne de forme oblongue émergeait de la roche sableuse. Nous dégageâmes avec précaution la momie que nous déposâmes à terre avant de déterrer l'urne. Le bouchon s'étant solidifié, nous décidâmes de ne pas l'ouvrir sur place. Dans la première salle, Ahmed s'impatientait. Il ne trépignait plus seulement, mais frappait la roche en cadence, scandant le rythme lancinant d'une inquiétante mélopée. Il était près de quinze heures et nous avions exploré les lieux de fond en comble. Nous jugeâmes qu'il était temps de quitter le tombeau. Je pris l'un des sacs et m'engouffrai dans l'étroit boyau, suivie de près par Louis et Henri qui déplacèrent, non sans peine, le sarcophage. Je restai avec Ahmed pendant qu'ils partaient chercher l'autre sac et la momie. Quand ils réapparurent, nous revînmes tous ensemble sur nos pas, considérablement freinés par nos encombrantes découvertes.

(8) La momie sans sarcophage

Pour extraire le sarcophage, Henri et Louis firent un voyage supplémentaire. Ahmed fut le premier à remonter à la surface ; je fus la seconde. Nous hissâmes ensuite les sacs, la momie sans qu'elle touchât les murs, puis le lourd sarcophage lorsque nous fûmes tous sortis du puits. Épuisés, nous nous abattîmes alors dans le sable comme sur la plus confortable des couches. Nous n'avions rien bu ni mangé depuis la fin de la matinée. Rassemblant mes dernières forces, je dépliai une nappe où je posai religieusement le panier repas que j'avais préparé la veille. Nous nous installâmes sans ciller sous le soleil implacable, tant était grande notre joie d'être à nouveau à la lumière du jour. Nous dînâmes de figues, de pain et de mil, et nous bûmes avec délice l'eau que nos gourdes en peau de chèvre avaient gardée fraîche.

Ahmed dévora sa portion sans un mot, ses jambes tremblant encore, comme ses mains quand il portait les aliments à sa bouche. Requinqués, nous chargeâmes les bêtes. Juché sur mon chameau, le sien transportait le sarcophage solidement ficelé, Louis me glissa à l'oreille que rien n'égalait la prévoyance et les soins d'une femme. L'émotion altéra sa voix ; pensait-il à sa femme et à ses enfants, qui devaient tant lui manquer ? Je songeai aux velléités de mariage de ma mère, qui aurait été si heureuse d'apprendre qu'en toute circonstance, j'assurais à merveille le rôle qu'elle désirait tant me voir tenir au sein d'un foyer. Henri, qui partageait sa monture avec la momie, nous doubla au même moment, et nous éclatâmes de rire. Le malheureux, qui ne savait pas comment tenir le macabre chargement, emprisonnait gauchement sa frêle compagne. Le contraste était tel entre la dépouille décharnée et Henri, une véritable force de la nature, aussi grand que massif, que je me demandai quelle femme il pourrait bien épouser. Mais cette question ne semblait pas le préoccuper, ses escapades en Orient occupant toutes ses pensées.

(8) La momie sans sarcophage

Ahmed menait la marche à si bonne allure qu'en moins d'une heure, nous atteignîmes l'embarcadère. Le visage hâlé et terreux, les yeux rougis et fatigués, nous assistâmes, émerveillés, au coucher du soleil sur le Nil. Les nuages rosirent et les flots, flanqués de leurs rives rubicondes, prirent une teinte cendrée. Quand l'astre effleura de son baiser enflammé l'épiderme du fleuve, un éclair éblouissant illumina quelques secondes le désert de Libye avant de périr dans les eaux tumultueuses. À l'hôtel, nous entreposâmes notre butin dans les appartements de Louis qui, logé au rez-de-chaussée, dispose d'une cave de belles proportions.

(8) La momie sans sarcophage
Le bonheur est toujours de courte durée...

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