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Judith

Publié le 05 octobre 2010 par Banalalban

Judith, c'est juste une fille qui compte les lobées des feuilles de chêne qui dessèchent sur les trottoirs ou bien les caniveaux.

Autrefois elle caressait les bogues et les marrons et en dénombrait les piques de la même façon mais elle s'est vite lassée. L'envie lui reviendra sûrement.

Les feuilles de chêne ne piquent pas, elles.

Judith, c'est juste une  gentille fille qui sait pas très bien comment occuper ses moments d'ennui et qui ainsi passe son temps, alternativement, des chênes au marronniers, et cela suivant les saisons.

Elle écrit de petits poèmes qu'elle retranscrit sur un petit cahier qu'elle garde précautionneusement dans un petit tiroir de son petit bureau.

De la même façon, Judith confectionne un herbier avec les feuilles qu'elle récolte, mais ses préférées, c'est celles des chênes.

Ce qui fait que son herbier ne va pas bien loin et ne représente en rien une collection intéressante.

Son herbier et toujours à côté de son petit cahier.

Dans le petit tiroir.

Dans le petit bureau.

Judith, c'est juste une fille comme ça.

Comme on en rencontre parfois.

On ne sait juste pas trop où elles vont mais on sait qu'elles y vont.

Judith c'est quand même une fille bien.

Les filles pas bien ne retiennent pas l'attention alors que Judith, d'une certaine façon, y parvient.

On la croise souvent dans les rues de Paris.

Elle siffle aussi de temps en temps.

Elle est de ces filles qui ne prennent pas le funiculaire pour monter au Sacré-Cœur.

On lui dit : "Bonjour Judith" et elle répond toujours très poliment : "Bonjour", puis elle retourne à ses comptes de lobées.

Et son souvenir reste environ trois rues et revient parfois le soir.

Judith elle est plutôt heureuse.

Elle n'est jamais triste.

Judith a ses moments de doute, comme nous tous bien entendu, mais Judith ne se laisse pas noyer par eux. Elle sait très bien ce qu'ils peuvent faire et ne les laisse pas tout envahir.

À la place elle remplit son herbier.

Et elle fait bien.

Elle porte souvent une petite robe printanière rouge, des chaussures ouvertes rouges et un serre-tête rouge et comme elle est brune avec de grands yeux bruns, ça lui va plutôt bien.

Elle est simple Judith.

Ce n'est pas le genre de fille qui traîne des heures lorsqu'il s'agit de choisir des vêtements.

Elle déteste les quartiers chics de Paris et abhorre la place Vendôme.

Judith, elle est coquette, mais sans plus.

Elle ne cherche pas à plaire. Elle ne se soucie pas de ces plaisirs là.

Elle préfère la légèreté et la spontanéité.

Elle travaille dans un café.

Judith, elle aime les gens. Elle aime les gens qui se confient, les gens qui ont besoin de parler, les gens qui disent "Bonjour Judith" et à qui elle répond toujours "Bonjour" mais elle aime également les gens plus timides qui n'osent pas se confier, qui restent silencieux, et qui ne disent pas "Bonjour Judith".

Quand elle travaille, un porte un limonadier rouge dans les poches duquel elle collecte les feuilles de chêne que les clients ramènent sous leurs chaussures dans le café.

Elle en comptera les lobées plus tard.


Ça fait trois rues déjà que je parle de Judith.

Avec un peu de chance, son souvenir reviendra ce soir.

  


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