Le Prix Nobel de littérature, attendu depuis des années, consacre le romancier péruvien.
La littérature latino-américaine compte, aujourd’hui, deux ou trois des plus grands écrivains vivants au monde. À côté de Gabriel Garcia Marquez (Nobel en 1982), les Mexicains Octavio Paz (Nobel en 1990, mort en 1998 ) et Carlos Fuentes (nobélisable depuis longtemps), le Péruvien Mario Vargas Llosa a produit une œuvre que même les ennemis idéologiques de ce «libéral» reconnaissent comme l’une des plus éclatantes. Traduite dans le monde entier, cette œuvre puissante d’artiste «mené par des démons», et non moins soumise à une vision éthique primant sur les idéologies, a d’abord exorcisé les cauchemars d’une jeunesse en butte à l’autoritarisme du père, des prêtres et de l’armée, avant de déployer des thèmes beaucoup plus universels.
Né en 1936 à Arequipa, dans le sud bolivien, Vargas Llosa s’est fait connaître par un premier recueil de nouvelles, intitulé Les caïds (1959), évoquant son adolescence en butte à la violence marqué par l’influence de Sartre et de Faulkner. Dans la foulée, La Ville et les chiens (1963), La Maison verte (1964) puis Les chiots (1967), établirent sa première réputation internationale et lui valurent le prestigieux prix Romulo Gallegos, dans le discours duquel il affirma que « la littérature est feu ».
Après 1975, c’est plutôt dans la postérité d’un Camus qu’il poursuivit son œuvre, répondant à la montée des intégrismes et du terrorisme par La guerre de la fin du monde (1981) et l’Histoire de Mayta (1984), notamment. Son expérience directe du terrorisme, en 1983, quand il enquêta sur le terrain, aboutit au roman « policier » Qui a tué Palomina Nero, autre titre « phare » de son œuvre.
S’il refusa longtemps de s’engager politiquement, Mario Vargas Llosa fonda en 1987 le mouvement de droite libérale Libertad, qui l’amena à se présenter à la présidence de la République en 1990.
Témoin des révolutions tournant aux dictatures, « frère ennemi » de Garcia Marquez dont il a fustigé la soumission aveugle à Fidel Castro grand humaniste cosmopolite, Mario Vargas Llosa a raconté son expérience politique dans Le poisson dans l’eau (1993) avant de produire de nouveaux grands romans, tel Lituma dans les Andes (1993), qui aborde la question du fanatisme à partir du cas particulier du Sentier lumineux, et La fête au bouc (2000), magistrale peinture romanesque de la dictature de Trujillo à Saint-Domingue. Déjà consacré par le Prix Planeta et le Prix Cervantès, sans compter une quarantaine de doctorats honoris Causa, l’auteur de Conversation à la « cathédrale », de La vie en mouvement et d’une trentaine d’autre romans et essais, nous reviendra sous peu - et cela vaut bien un Nobel - au fil d’un nouveau grand roman dont Joseph Conrad est l’un des héros…