SECTION III : LES PERSECUTIONS DU TROISIEME SIECLE
1. La grave crise du 3ème siècle (200-300)
Une crise très grave frappe Rome à cette époque. Les relations entre chrétiens et Empire romain s’inversent - même si tout le monde ne le perçoit pas.
Elle est ainsi décrite par l’historien romain Hérodien, qui écrit en grec : « Si l'on repasse en pensée les jours écoulés depuis Auguste, depuis l'époque où la puissance des Romains devint l'apanage d'un seul, jusqu'à Marc-Aurèle, dans cet espace d'environ deux cents ans, on ne verra ni une aussi rapide succession d'empereurs, ni des guerres civiles et étrangères, si fécondes en événements, ni tant de nations agitées, ni tant de sièges dans l'empire même ou chez les Barbares, ni des tremblements de terre si nombreux, des pestes si affreuses, ni, en un mot, des tyrans et des princes dont la vie offre un caractère de nouveauté qu'on chercherait en vain dans toute l'histoire ancienne. Le règne des uns fut très long, celui des autres très court ; quelques-uns même furent à peine nommés empereurs, qu'ils périrent dans leur pourpre d'un jour » (Histoire romaine, L. 1, § 2).
L’Empire s’était progressivement étendu par la conquête de nouvelles provinces. Cette conquête continue avait permis l’exploitation de terres très vastes, toujours nouvelles [l’Egypte était le grenier de Rome, l’Espagne et la Gaule son vignoble et son oliveraie]. Rome s’était appropriée de nouvelles mines [la Dacie, en particulier, avait été conquise pour ses mines d’or]. Les guerres de conquête avaient procuré des masses immenses d’esclaves [prisonniers de guerre], et donc une main-d’oeuvre gratuite.
Vers la moitié du 3ème siècle, on se rendit compte que la tranquillité était terminée. A l’Est, s’était constitué le puissant empire des Sassanides, qui menait de très dures attaques contre les romains. En 260, l’Empereur Valérien fut capturé, avec toute son armée de 70.000 hommes, et les provinces de l’Est furent dévastées [ci-contre : Triomphe de Shapour Ier sur l'empereur Valérien. relief de Naqsh-i-Rustam (Iran)]. La peste ravagea les survivants et se propagea épouvantablement dans tout l’Empire. Au Nord, un autre conglomérat de peuples forts s’était formé : les Goths. Ils submergèrent la Mésie et la Dacie. L’Empereur Dèce (249-251) et son armée furent massacrés en 251. Les Goths poursuivirent leurs dévastations du Nord jusqu’à Sparte, Athènes, Ravenne. L’amoncellement de ruines qu’ils laissaient derrière eux était terrible. La majeure partie des personnes cultivées perdirent la vie ou furent réduites en esclavage, et ne purent être substituées. La vie régressa vers un état primitif, sauvage. L’agriculture et le commerce furent anéantis.
En ce temps de graves incertitudes, les sécurités garanties par l’Etat ne furent plus assurées. Désormais, ce furent les “gentils” [c’est-à-dire les païens] qui devinrent “irrationnels”, se confiant non plus en l’ordre impérial mais en la protection de divinités plus mystérieuses et plus rares. Sur le Quirinal, un temple fut élevé à la déesse égyptienne Isis, l’Empereur Héliogabale (218-222) [photo ci-jointe] imposa l’adoration du dieu Soleil, le peuple recourut à des rites magiques pour éloigner la peste. Il y eut également, en ce troisième siècle, des années de terribles persécutions contre les chrétiens. Non pas, cette fois, au motif de leur “irrationalité” prétendue [au milieu d’une mer de gens qui se livraient à des rites magiques, le christianisme était devenu le seul système rationnel], mais au nom d’une sorte de pureté ethnique renaissante. De nombreux empereurs, même s’ils étaient barbares de naissance, voyaient dans le retour à l’unité centralisée l’unique voie de salut. Ils décrétèrent dès lors l’extinction des chrétiens, toujours plus nombreux, pour arracher de l’entité romaine ce “corps étranger” qui apparaissait toujours davantage comme une entité nouvelle, prête à se substituer à celle déclinante de l’Empire, fondée sur les armes, la rapine et la violence.
(à suivre)