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10 octobre 1996/Charles Juliet, Lumières d'automne

Publié le 10 octobre 2010 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


Charles Juliet à Ajaccio le 4 septembre 2010
Ph. angèlepaoli

10 octobre

                                POURQUOI ÉCRIRE, me demande-t-on.

  Bonne occasion de rechercher les raisons qui m'ont déterminé à mettre l'écriture au centre de ma vie. Mais c'est une vaste question. Qui appelle plusieurs réponses.

  Écrire pour obéir au besoin que j'en ai.

  Écrire pour apprendre à écrire. Apprendre à parler.

  Écrire pour ne plus avoir peur.

  Écrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance.

  Écrire pour ne pas vivre dans l'ignorance.

  Écrire pour surmonter mes inhibitions, me dégager de mes entraves.

  Écrire pour déraciner la haine de soi. Apprendre à m'estimer.

  Écrire pour déterrer ma voix.

  Écrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.

  Écrire pour épurer mon œil de ce qui conditionne sa vision.

  Écrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m'unifier.

  Écrire pour conquérir ce qui m'a été donné.

  Écrire pour gravir la pente qui mène à la simplicité.

  Écrire pour tenter de réduire, de dissoudre le moi.

  Écrire pour devenir toujours plus conscient de ce que je suis, de ce que je vis.

  Écrire pour affiner et aiguiser mes perceptions.

  Écrire pour savourer ce qui m'est offert. Pour tirer le suc de ce que je vis.

  Écrire pour repousser mes limites, agrandir mon espace intérieur, me rendre toujours plus libre.

  Écrire pour soustraire des instants de vie à l'érosion du temps.

  Écrire pour retrouver ― par delà la lucidité conquise ― une naïveté, une spontanéité, une transparence.

  Écrire pour produire la lumière dont j'ai besoin.

  Écrire pour tenter de voir plus loin que mon regard ne porte.

  Écrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter que qu'elle ne demeure comme une terre en friche.

  Écrire pour susciter cette mutation qui me fera naître une seconde fois.

  Écrire pour m'inventer, pour me créer, me faire exister.

  Écrire pour m'employer à devenir meilleur que je ne suis.

  Écrire pour faire droit à l'instance morale qui m'habite.

  Écrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d'une société malade.

  Écrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être chance de le révéler à lui-même. De l'aider à se connaître et à cheminer.

  Écrire pour mieux vivre. Mieux participer à la vie. Apprendre à mieux aimer.

  Écrire pour que me soient donnés ces instants de félicité où le temps se fracture, et où, enfoui dans la source, j'accède à l'intemporel.

  Dans cette énumération des raisons que j'ai d'écrire, il arrive que certaines se recoupent, se chevauchent, disent plus ou moins une même chose mais abordée sous des angles différents. Il faut voir qu'elles sont indissociables, et que toutes contribuent à nourrir cette passion qui me tient.

Charles Juliet, Lumières d'automne, Journal VI, 1993-1996, P.O.L, 2010, pp. 247-248.



■ Charles Juliet
sur Terres de femmes


En surface
→ ma hâte
→ 25 octobre 1964/Première rencontre Charles Juliet-Bram Van Velde
→ 22 décembre 1989/Charles Juliet, L'Autre Faim, Journal V
→ 3 septembre 1990/Charles Juliet, L'Autre Faim, Journal V
→ 15 septembre 1990/Charles Juliet, L'Autre Faim, Journal V
→ Rencontre inédite autour de Charles Juliet

■ Voir/écouter aussi ▼

→ (sur Dailymotion) Charles Juliet : L'exultation calme (vidéo)
Charles Juliet, attentivement (site dédié à l'œuvre de Charles Juliet)



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