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Publié le 10 octobre 2010 par Saucrates

Sécurité alimentaire, spéculation financière et développement
Il y a deux ans, le monde s'était rappelé que la sécurité alimentaire était l'élément primordial en matière de développement économique de la pire des manières qu'il y ait. Des émeutes de la faim avaient en effet éclaté dans de nombreux pays en développement début 2008, en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie, pour rappel en Egypte, au Maroc, en Indonésie, aux Philippines, en Haïti, au Nigéria, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Mozambique, en Mauritanie, au Sénégal, au Burkina Faso ... Les émeutes de la faim n'étaient néanmoins pas nées en 2008. Il ne faut pas oublier que plusieurs révolutions démarèrent par des émeutes de la faim, en France en 1789, en Russie en 1917. Mais elles étaient devenues rares depuis la fin des années 1970 dans les pays en développement. Le Mexique entre 2006 et 2007 enregistre le premier des émeutes contestant le renchérissement du prix des produits alimentaires de base ... Puis il y aura les émeutes de 2008.
Les crises alimentaires de 2008 avaient plusieurs explications : l'envolée des cours des denrées premières sur les marchés financiers et la persistance de la malnutrition en Afrique ... Les années 2006-2007-2008 correspondent à la fin d'un cycle d'expansion des marchés financiers et de leurs dérives. La spéculation financière, qui conduira à l'explosion du marché des crédits sub-primes américains, et plus largement de la bulle du crédit occidental, avait également touché les marchés des denrées alimentaires ainsi que des matières premières (métaux, pétrole ...). La spéculation sera notamment autorisée par la création de nouveaux produits financiers (options) permettant de jouer sur ces marchés ...
Dans ces années-là, la spéculation est amplifiée par la concurrence entre les productions de céréales pour la consommation humaine (ou animale) et celles pour la production de carburants végétaux pour remplacer le pétrole. Les superficies agricoles consacrées aux productions végétales pour des carburants de substitution s'accroissent régulièrement, gagnant sur les forêts (en Amazonie) avec des conséquences terribles sur les écosystèmes et en matière de dégradation des sols, ou sur les superficies consacrées à l'alimentation humaine ...
La liaison avec le maintien d'une malnutrition endémique dans la majeure partie des pays en développement repose sur un malentendu. La malnutrition endémique s'observait essentiellement dans les campagnes des pays en développement, pas dans les milieux urbains. Cette malnutrition conduisait à un exil des campagnes vers les villes, caractéristique du phénomène du développement, déjà observé en Occident au dix-huitième et dix-neuvième siècle. La nouveauté des émeutes des années 2006-2008, c'est qu'elles naissent au sein des classes moyennes urbaines ...
http://www.scienceshumaines.com/le-retour-des-emeutes-de-la-faim_fr_22389.html
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-04-14-Emeutes-de-la-faim
En 2010, les prix des denrées alimentaires de base s'inscrivent de nouveau en forte hausse sur les marchés internationaux (notamment au niveau du blé), alimentés par la persistance de tensions spéculatives en mal de placements, par de mauvaises récoltes et surtout des problèmes climatiques, incendies géants en Russie et en Ukraine, phénomène El Nino en Amérique du Sud, qui ont conduit au retrait d'un certain nombre de pays exportateurs du marché mondial, amplifiant les craintes de disponibilité sur certains marchés et les mouvements spéculatifs sur ces produits ...
Parallèlement à ces évènements, il faut également observer que plus rien n'est fait en Afrique en matière de développement dans le domaine agricole ... L'Afrique n'est plus une zone géographique prioritaire pour de nombreuses institutions de développement international, bilatérales ou multilatérales ... Les nouveaux pays émergents, et en premier lieu les Bric (Brésil, Inde, Chine) sont les nouveaux marchés où toutes institutions veulent être vues, où il est indispensable et rémunérateur d'être présents, d'être les premiers. L'Afrique n'attire toujours pas, et encore moins pour y parler de financement de l'agriculture ... Dans ces années 2000-2008, on ne parle plus que de l'eau, du réchauffement climatique et de ses instruments de financement (droits carbone), et de développement industriel. Mais on ne parle plus de politique agricole africaine. La PAC européenne n'a plus comme objectif que la diminution des quantités produites pour le maintien des cours mondiaux ... et pour empêcher que des plaintes à l'OMC ne visent les subventions européennes ...
Nous sommes désormais dans un monde fou. Nous aurions mille fois la capacité de nourrir toute l'humanité ... Mais nous consacrons cet effort à des productions inutilasables pour l'homme à seule destination de nos machines et de nos automobiles ... Et nous nous faisons la guerre devant l'Organisation mondiale du commerce pour limiter et diminuer les quantités produites de céréales, sous prétexte que les subventions des pays occidentaux viennent concurrencer les productions des pays en développement ... mais qui ne sont as capables aujourd'hui de nourir leur population ...
La technologie moderne serait capable de créer un marché unifié des biens alimentaires, de façon à ce qu'ils soient disponibles partout dans le monde, en quantité suffisante ... Mais les conflits permanents entre nations font que des centaines de millions de terriens de par le monde meurent toujours de faim et souffrent de malnutrition. Un tel marché mondial unifié aurait pour conséquence de décourager la production alimentaire dans les pays en développement ? Ce genre d'unification dans les campagnes occidentales n'a en tout cas jamais empêché la production agricole ni découragé des paysans de s'installer sur des terres agricoles. Elle a simplement eu pour conséquence la création d'une agriculture extensive au détriment de petits agriculteurs, en liaison avec l'abaissement de la rentabilité des exploitations ... Mais avec la création de segments de marchés particuliers, comme le bio, où de petites exploitations sont capables de se spécialiser ... pour une demande particulière et locale ...
C'est ce que l'on peut attendre d'un nouveau paradigme du développement, axé sur les besoins des populations du Sud, en matière alimentaire, en matière d'éducation, en matière de santé ... Un paradigme prônant l'universalité de l'approvisionnement alimentaire, des systèmes d'éducation et de santé ... Pour quand ?
Saucratès


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