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(10) Pilleurs à leurs heures

Publié le 11 octobre 2010 par Luisagallerini

Je me dirigeais vers la terrasse de l'hôtel, coupant à travers les jardins par une allée secondaire bordée de grands arbres, lorsque j'aperçus, à une dizaine de mètres, Monsieur Losson qui serrait la main de Guy en le prenant par les épaules. Louis, les bras croisés, souriait en les regardant. Intriguée par la familiarité qui se dégageait d'un tel comportement entre deux hommes d'ordinaire si distants, je m'approchai de quelque pas avant de m'immobiliser dans l'ombre d'un sycomore.

(10) Pilleurs à leurs heures


Au premier abord, je crus que Monsieur Losson venait d'annoncer qu'il financerait nos travaux, mais le vent, impitoyable, me livra une phrase sibylline qui me pétrifia: "Et comment allez-vous vous débarrasser d'elle?". Ma langue devint aussi sèche que du papier. Cependant, il m'était alors impossible de ne serait-ce qu'envisager leur duplicité. Je tentai de me raisonner. Louis était mon ami et le vent, espiègle, avait certainement joué avec les mots. J'étais sur le point de sortir de ma retraite lorsqu'ils convinrent, d'une voix cette fois-ci rendue audible par l'absence soudaine de rafales, de la somme à verser pour la totalité de nos découvertes puis de la date du transfert, fixée au lendemain. Un goût amer emplit ma bouche: j'assistais, impuissante, à l'ultime trahison. Mon cœur s'emballa derechef, tronquant la conversation de ses battements irréguliers. Je devais agir, je ne pouvais pas laisser un tel crime impuni. Mais une force d'une puissance infinie me retenait; était-ce une manifestation de lâcheté, tapie aux tréfonds de mon être? ou l'appel désespéré de mon désir de vivre, qui battait si fort face au danger? Abattue, les jambes vacillantes, j'acceptai peu à peu la triste vérité: je ne pouvais ni ne devais me fier à nul autre que moi-même. Personne ne me viendrait en aide si j'intervenais.

J'appris que l'expédition des marchandises aurait lieu le jeudi suivant. Ahmed, que Monsieur Losson semblait connaître, fut désigné pour acheminer les colis jusqu'au port. Je le soupçonne de participer régulièrement aux trafics, et je comprends mieux son attitude, qui m'avait semblé si étrange lorsque nous étions dans la tombe. Le mépris, qui animait ses gestes et transparaissait dans son regard comme dans ses paroles, était destiné aux pilleurs de tombes que nous étions pour lui, et il connaissait fort bien le sort que l'on réservait dans l'Égypte ancienne à de tels individus. Toutefois, il participait lui aussi à cet odieux commerce, et son principal regret n'était sans doute pas de commettre un délit en y prenant part, mais de n'avoir pas lui-même localisé la seconde salle.

La dernière requête de Monsieur Losson m'anéantit. Je plongeai dans un abîme de perplexité et d'horreur quand j'appris qu'il prenait commande...

Qu'y a-t-il de pire que de piller une tombe?... Suite au prochain épisode!

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