(photos (c) J. Prébois)
On en doutait. Et puis voilà que le feuilleton « Les vivants et les morts » apparaît. Quelle télé autre que publique accepterait une fresque aussi forte sur notre monde ouvrier contemporain, où tout y est : les stratégies de financiers, les fermetures d’entreprises, la dure réalité de la condition ouvrière : n’avoir rien, rien d’autre à soi que sa force de travail, et lorsque pour d’obscures raisons d’actionnariat, celle-ci n’est plus jugée achetable, être jeté. Chapeau à cette série, issue d’un roman de Gérard Mordillat (et réalisée par lui), qui montre cela. Rien d’aride dans l’explication, bien au contraire. Mais des personnages de chair et de sang qui nous bouleversent, joués par des acteurs peu connus (à part Robinson Stévenin, François Morel…) qui sont totalement impliqués dans leur rôle, avec souvent une crudité des vues et des propos qui nous fait penser à chaque instant : oui, c’est réel. Exagéré, invraisemblable parfois ? Je préfèrerais seulement dire : paroxystique. Mais le réel est paroxystique. Qui peut se vanter qu’il ne sera jamais dans une situation imprévue qui l’emmènera jusqu’au bord du gouffre ? Les épisodes de mercredi dernier ont été quasiment transcendés par l’histoire sublime et horrible à la fois du personnage « Lorquin », image archétypique de l’ouvrier leader, prêt à tout pour sauver ses camarades, jeté dans la tourmente car le patron n’a pas voulu faire de favoritisme et l’a viré, qui croit un instant en une rédemption, avant de sombrer dans un drame déchirant. « Les vivants et les mort », un « Les Misérables » de notre siècle ? Oui, Mordillat digne héritier d’Hugo.
Bizarre que les médias n’en parlent pas davantage.