3ABSCHIED
Anne Teresa De Keersmaeker, dans un dialogue intime avec la mort...
A défaut d’avoir pu m’abonner cette année à l’opéra, je décidais de remédier au problème en le déplaçant. C’est ainsi que je m’abonnais… au Festival d’Automne à Paris.
De nombreux spectacles à la carte… à combiner dans un menu perso. J’ai choisi dans mon menu une majorité de spectacles de danse.
Il faut parfois prendre des risques. C’est ce que j’ai fait vendredi dernier, en me rendant au spectacle 3Abschied. Pour ma première visite au Théâtre de la ville, je choisissais donc ce ballet contemporain, chorégraphié en binôme par Anne Teresa De Keersmaeker et Jérôme Bel.
Une prise de risque ? Oui. Pour moi parce que je ne connaissais pas la chorégraphe… et de ce fait, je m’attendais un peu à tout. Pour tout vous dire… j’ai été vraiment surprise par ce spectacle.
La vraie prise de risque, pour ce spectacle, a été prise par Anne Teresa De Keersmaeker. Une prise de risque mal comprise par le public… et soldée, selon moi, par un échec.
Si je m’attendais vraiment à tout, j’avoue que mon imagination n’était, pour le coup, pas suffisamment étoffée. Je m’attendais surtout à un spectacle ennuyeux… à l’une de ces prises de têtes contemporaines… qui ont malheureusement eu la plupart du temps raison de ma patience. Je m’attendais à un discours sur la mort… et si je lis la description du spectacle proposée par le Théâtre de la ville, j’avais tout de même vraiment de quoi m’inquiéter.
Pourtant, la salle était bondée, et nous avions tous choisi de prendre ce risque ensemble.
Première surprise : alors que sur scène les musiciens de l’ensemble Ictus et la chorégraphe ont pris place… c’est par un enregistrement audio que le spectacle commence. Nous écoutons donc tous cet enregistrement, religieusement. Le lied est magnifique… Le Chant de la Terre de Mahler est l’un des plus beaux morceaux qui soit au monde.
Puis Anne Teresa prend la parole. Ce discours est drôle, frais, dynamique. Elle nous conte la genèse de ce projet, présente l’enregistrement que nous venons d’écouter et son histoire, dramatique… nous explique toute la difficulté qu’elle a rencontrée pour chorégraphier cette musique… sur laquelle la danse est impossible à calquer.
Ce Chant de la Terre… est une œuvre exceptionnelle, à l’histoire (celle de sa création) lourde de sens. Elle parle de la mort… et de l’acceptation de la mort.
Interprétation orchestrée par Otto Klemperer et interprétée par Christa Ludwig.
Un défi difficile à relever…
Une fois cette présentation achevée, l’ensemble Ictus commence à jouer (l’adaptation pour 13 instruments de Schoenberg). Rien à voir avec la magnifique interprétation de l’enregistrement précédemment proposé… mais cet Abschied et quoi qu’il arrive, toujours d’une grande beauté.
La chorégraphie proposée par Anne Teresa est assez… surprenante. Elle utilise la présence des musiciens pour exprimer son interprétation… dans un rapport très tactile à la musique, par conséquent.
Si la musique m’a touchée… cette interprétation m’a malheureusement laissée totalement de glace.
Seconde surprise : ce 3Abschied est bien évidemment composé de trois interprétations de l’Abschied. Interprétations nouvelles pour lesquelles Jérôme Bel, caché dans le public, intervient. Il orchestre deux propositions, pour le moins comiques. Le public est hilare (mais en même temps agacé). Un premier essai où les musiciens sortent de scène… puis un second où les musiciens « meurent » sur scène (en acceptant leur mort…) Imaginez le spectacle !
Enfin, dernière surprise… pour la troisième interprétation seuls restent sur scène le pianiste et la chorégraphe… Une version épurée… où la chorégraphe chante elle même les paroles… dans une danse somme toute étonnante (je ne trouve pas d’autre mot).
Quand enfin (oui, enfin) cette représentation s’arrête… c’est par un public mitigé qu’est reçu 3Abschied. Applaudissements et huées sont au programme. Une grande incompréhension, donc.
Pour ma part, l’idée de huer ne me serait pas venue à l’idée. J’ai beaucoup ri, durant cette représentation. A la fois parce qu’il y avait un certain comique, avouons… mais aussi me semble-t-il parce que j’ai ressenti cette incompréhension face à ce qui m’était proposé… je n’ai pas compris la proposition des chorégraphes…
Ils ont pris des risques et présenté un spectacle qui paraît inachevé… Peut-être n’aurait-il pas fallu rire ? Auquel cas, le résultat n’est vraiment pas celui escompté.
Je reste dans le doute…
Quoi qu’il en soit, ma soirée fut bonne. C’est tout ce que j’en retiendrai. Une expérience étonnante, que je retenterais volontiers.