LES CROQUEURS DE MOTS
C’était le calme,
Le calme juste avant la tempête.
Non pas que l’on ne se soit pas aperçu qu’il se préparait quelque chose
Non, cela eut été impossible
Il y avait comme un « je ne sais quoi » dans l’air,
Quelque chose d’invisible certes
Mais que l’on percevait menaçant
Et qui s’annonçait à nous sans ambiguïté.
C’était comme une sorte d’électricité statique
Qui vous « zinguait » jusqu’au creux de l’estomac.
Même les mouches semblaient hébétées
Elles volaient sans conviction.
Le chien abattu,
D’ordinaire si prompt à claquer des dents
pour les attraper, les ignorait.
Dans les herbes, les grillons semblaient essoufflés,
Ça manquait d’allant dans les stridulations
C’était poussif comme une chorale désorientée.
Même les nuages semblaient déprimés,
Ils se traînaient lamentablement dans un ciel trouble,
On se serait cru à la veille d’une révolution,
Comme si le monde était arrivé à la fin d’un cycle,
En hésitant tout de même à sauter le pas.
Ça n’était même pas insupportable.
Après tout on ne savait pas ce qui allait arriver,
On avait juste envie que ça se passe,
Simplement pour passer à autre chose,
Quelque chose qui nous réveille quoi !
Une chose qui d’un coup nous aurait tirés de notre léthargie.
Mais plus on espérait, plus ça semblait vouloir se traîner.
Cette menace non caractérisée se complaisait à masquer son visage,
C’était une attitude absolument inqualifiable qui nous faisait grincer l’âme.
Comme on ne savait pas à quoi on avait affaire,
On ne pouvait même pas réclamer.
C’était du rien que nous avions en face de nous,
Et quand je dis en face, c’est une façon de dire,
Parce qu’on l’avait aussi bien derrière que dessus ou dessous
Et même dedans.
Dedans, ça s’insinuait avec la moindre respiration,
Tellement, que même la terre soupirait.
Nous en étions réduit à une sorte d’immobilité écrasante
Avec une vibration insupportable à l’intérieur
Et soudain,
Un mouvement sembla vouloir s’élever au milieu de ce rien.
Ce fut comme un espoir surgissant du néant.
Rien de précis encore, mais c’était tout près.
On percevait les prémices d’un mouvement libérateur.
C’est alors que je sentis, contre ma jambe, un frôlement furtif
J’ouvris les yeux
Le chat, venu quémander une caresse, m’avait tirée de mon sommeil.
©Adamante