Au comble de l'excitation, j'approchai la lampe de l'ouverture. La poussière m'arracha un éternuement que je m'empressai d'étouffer dans la manche de ma robe. En me penchant à nouveau au-dessus de l'urne, j'aperçus comme des cercles non loin de la surface. J'eus un haut-le-cœur en y plongeant la main, craignant que le récipient ne fût un vase canope destiné à recevoir les viscères du défunt. Mais je reconnus aussitôt la texture rugueuse et coupante d'un papyrus. Je le saisis doucement afin de l'extraire sans l'abîmer. Puis, le cœur battant à tout rompre, je le déroulai. Long d'une coudée environ, remarquablement conservé dans sa partie haute mais abîmé dans sa partie basse, il était écrit en hiératique et en copte. Entre les deux sections, une illustration d'une grande précision, à l'encre noire, représentait un homme debout dans une barque. Après l'avoir examiné quelques secondes, je l'enroulai à nouveau et le glissai dans un carré d'étoffe que j'avais emporté sans savoir alors ce que j'y cacherais. Après m'être assurée que l'urne ne dissimulait rien d'autre, je la refermai en vissant au mieux le bouchon. Espérant que cela suffirait à faire illusion, je replaçai l'objet sous le bureau après l'avoir saupoudré de poussière.
Lorsque je me redressai, une douleur aiguë me rappela que rester replié trop longtemps sur soi-même malmenait les muscles des jambes. Pour les soulager, je fis quelques pas. Ce faisant, j'arrivai au chevet de la momie au linceul. Bouleversée, j'approchai la lampe en tremblant. Soudain, alors que j'examinai la frêle silhouette, la flamme bondit, révélant une ombre qui se détachait du tissu rigide. Je frémis d'horreur à la pensée du terrible sacrilège que je m'apprêtai à perpétrer : priver des momies de leurs vêtements séculaires pour ouvrir leur corps au scalpel et profaner leur intégrité en bafouant leurs derniers vœux. Savoir que leurs restes deviendraient de la poudre de mummia, qu'ingurgiterait quelque comte anthropophage pour soigner une mauvaise grippe, m'était insupportable. Que l'on guérisse ou que l'on périsse de cette médecine miracle, peu m'importait. Mais il nous incombait, à nous, explorateurs, autant qu'aux acheteurs, de mettre un terme à cette vile pratique que la loi avait déjà bannie en cessant d'approvisionner un marché florissant. Dieu, que l'esprit humain était pervers pour imaginer un tel remède aux maux terrestres !
Je ne sais pas ce que me réservent les jours à venir, ni comment je réagirai face à Monsieur Losson et à ses ignobles acolytes. Mais ce dont je suis certaine, c'est que le papyrus sera ma récompense, dût-il faire de moi une voleuse ! Il faut désormais que je lui trouve une cache sûre, ainsi qu'à mon journal, car qui sait, peut-être mettent-ils tous deux ma vie en péril.
Que se passera-t-il le lendemain? A suivre...