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Petit laid

Publié le 05 janvier 2008 par Laurent Matignon
Repêchés au fond d'un tiroir - ou plutôt dans un dossier de mon disque dur -, quelques écrits qui datent d'une dizaine d'années. Ça vaut ce que ça vaut, ce n'est pas franchement lié aux acouphènes, à l'hyperacousie, aux douleurs chroniques, au chômage, à la dépression ou aux yaourts à la cerise, mais c'est une partie de moi. Aussi ai-je décidé d'en copier/coller certains, à commencer par le plus "ambitieux" de l'époque, le bientôt culte Petit laid. Sans retouche aucune.
C'est en plusieurs parties, ce sera en bleu foncé et ça commence maintenant !
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Avertissement*
L’auteur fait observer ici qu’il a peint un personnage que, de propos délibéré, il a voulu sinistre, louche, voire par moments odieux. Il va de soi que les propos et les actes de ce personnage ne sauraient être, sans injustice, prêtés à celui qui l’a conçu.
L’auteur a, en effet, fait du personnage central de Petit laid un homme privé des qualités morales les plus élémentaires. Il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de détails lui donne cette apparence « autobiographique » que certains veulent bien lui trouver.
C’est la raison pour laquelle l’auteur tient à amener le lecteur à se demander si, face à un personnage doué des plus hautes qualités morales, il serait enclin, de la même façon, à prêter (ou offrir ?) spontanément à son créateur tout un chapelet de vertus.
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Préambule
Trois mois. Déjà trois mois. Ou peut-être seulement trois mois. J’en sais déjà assez. Je sais tout d’elle. En tout cas, je ne veux rien savoir d’autre. Mais je ne peux pas rester seul. Je ne sais pas rester seul. Peut-être parce que je ne mérite pas de rester seul. Tout compte fait, ces trois mois que je lui ai offerts sont un cadeau pour elle. Il est temps pour moi de passer à autre chose. Sans remord. C’est elle qui devrait s’en vouloir d’être si fade, si lisse. Sans intérêt.
Cela dit, je peux m’en vouloir à moi-même. Je savais dès le premier jour que cette fille allait m’ennuyer. Mais j’étais seul quand je l’ai rencontrée, et elle n’était pas trop vilaine, alors… De toute façon, elle n’attendait que ça. Elle est comme les autres. Cette incapacité chronique à se voir dans un miroir et à se regarder dans les yeux m’écœure. Et pourtant, j’ai le même défaut.
Le pire, c’est que je ne me demande même pas comment je vais lui annoncer que je la quitte. Le principal est qu’elle ne fasse pas sa gamine capricieuse, je ne supporte pas les filles qui chialent pour un rien. Le mieux est qu’elle me « surprenne » avec la nouvelle. Dans une situation suffisamment équivoque, s’entend. Ce qui est fou, c’est que la nouvelle est loin d’être belle. Je peux dire sans hésiter que j’y perds au change. Mais, ma foi, au moins elle ne parle pas trop. Ainsi je m’entendrai mieux penser. Et elle mettra sans doute un peu plus de temps pour me raconter son existence probablement tout aussi insignifiante. Ça me fera un répit. Ça me laissera du temps pour trouver la suivante.
Au fond, je ne sais pas si j’ai envie de rencontrer une fille intéressante. Je suis convaincu que ça doit bien exister. Il y a pourtant longtemps que je ne crois plus au Père Noël, et si une fille comme ça vivait quelque part sur cette terre, je l’aurais sans doute déjà rencontrée. Mais c’est comme pour l’Homme s’imaginer seul dans l’Univers. Je ne peux pas croire que je suis le seul être doué d’intelligence ici bas. Quel ennui ce serait. Alors je cherche. Ça me donne une raison de vivre.
Je ne suis pas comme ces gens qui arrivent à se convaincre à chaque nouvelle « histoire » qu’ils sont amoureux fous, que c’est pour la vie, que « cette fois, ça y est », comme ils disent. Comme si leur quête du Saint-Graal avait enfin trouvé un aboutissement heureux. N’est ce pas paradoxal de croire en l’Amour véritable, et d’avoir conscience de le chercher ? Si cet Amour véritable existe, il ne peut qu’être le fait d’une Volonté extérieure, Supérieure. Une Volonté qui aurait créé deux êtres afin qu’ils vivent ensemble. Deux moitiés. Ces gens sont stupides. Ils sont de ceux qui croient qu’en allant à Rome, à Lourdes, à la Mecque, ou dans une simple église, ils se rapprochent de Dieu.
Pourquoi ne pas plutôt construire une immense tour afin de…
Suis-je bête, j’oubliais…

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* Copie éhontée de l'avertissement au lecteur présent en préambule des Jeunes Filles de Montherlant, que l'on peut retrouver en intégralité sur ce blog.

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