Alors quoi ? Serais-je à blâmer alors, connaissant ma perversion, mon âme intoxiquée à détoxifier mes chimères adolescentes, d’avoir pu ressentir ce que j’ai ressenti et tout le reste à l’énoncé de ton identité ? Serai-je à condamner pour avoir pu déceler, dans cette levée insensée, tout ce qui te relierait à moi ? Car c’est en effet à ce moment précis qu’une voix se fit entendre, me murmurant, face à face, dans une tonalité susurrée mais néanmoins détonante, tonitruante et dont je suis la seule à en connaître l’existence (oh combien de fois j’ai souffert de l’entendre, élevée au simple rang de mon intimité, cette voix dont longtemps je crus qu’elle était la mienne propre), cette voix donc, qui se réveilla en cet instant et qui se mit à m’énoncer à mesure qu’elle t’envisageait, non pas qu’elle te proclamait le plus bel être du monde, le plus insoupçonnable des amants révélés à la supposée éventualité, non pas qu’elle m’énonça la courbure de tes reins et la mesure de tes mains, non pas qu’elle envisagea ton incroyable flexibilité sous mes doigts, non pas qu’elle se pavana dans ma tête sur la connaissance de ton nom que tu venais de donner et l'amitié qui à jamais nous lierait, car pour une fois oui, elle ne s’avéra ni mièvre, ni terne, non, elle fit parler celle que je ne devais cesser d’être pour toi, unique métronome de celui que je voulais que tu sois… tant et si bien qu’elle se contenta de dire, et cela d’une seule traite :
« Il aura besoin de toi ».
Et puis elle s’en alla.
Puis toi et moi on s'est retrouvés à engloutir des chips en écoutant France Inter et c'était parti pour toute une vie d'amitié.
Et comme c'était bien...