Je ne suis plus qu'une machine à travailler. Je bosse, je bosse, je bosse. Mémoire. Validations. Stages. Je bosse, je bosse, je bosse. Je me lève tôt, je vais à l'IUFM, je me couche tard. Rebelote le lendemain. Le week-end, même refrain, je me lève tôt, je travaille, je travaille, je travaille et je me couche tard.
Plus de vie sociale. Plus de Mystérieux Inconnu le week-end. Non. Pas le temps. Les week-ends sont juste assez longs pour empêcher le retard de s'accumuler. Pourtant, je bosse, tout le temps. Sans arrêt. Je bosse. Je fonce tête baissée, je ne m'arrête pas. Je suis branchée sur mon métier et ne m'en déconnecte jamais. J'en rêve la nuit. J'y pense le jour. Je n'ai plus de vie sociale. Je ne vois plus personne. Je vis recluse dans ma petite chambre, avec mon ordinateur et mes livres, mes fiches de prep' et mes classeurs. Plus le temps de chanter. Plus le temps de lire. Même pas le temps de ranger ma chambre. A peine le temps de venir discuter, mon pauvre Victor...
Et mon Mystérieux Inconnu qui espère que tout s'arrangera l'année prochaine. S'il savait... L'année prochaine, ce sera la PE2 puissance 10, que dis-je, puissance 100 ! Puissance 1000 si j'ai un poste de direction ! Il ne supporte plus mes fiches de prep', mes séquences, mes validations, mon mémoire. Là où j'attends de la patience, il n'est qu'impatience. Je bosse, je bosse, je bosse. Le métier est une priorité qui s'est imposée d'elle-même. Pas le choix. Ce n'est même pas que j'en fasse plus que les autres, non. Au contraire : je fais le minimum syndical. Et pourtant, j'y laisse ma vie personnelle.
J'ai envie de pleurer. J'ai envie de hurler. Rien ne sort. Je suis bloquée. J'ai envie de partir, de tout oublier. Partir, avec pour seul bagage un baluchon et ma soif de liberté. J'ai envie de me libérer. Qu'on me libère. J'ai envie qu'on me rassurer. J'ai envie qu'on me dise que tout ira bien. J'ai envie qu'on me force à lever le pied. Je veux retourner au lycée, quand tout était facile, quand je me plaignais du baccalauréat et de mes dissertations de philosophie. J'ai envie d'être encore assez jeune pour me dire que la vie active est encore loin. J'ai envie de partir, loin, très loin, seule avec moi-même. Ne pas être tenaillée entre ma vie amoureuse et ma vie professionnelle. Ne pas culpabiliser de bosser tous les week-ends.
J'ai envie de partir, j'ai envie de tout arrêter. Et pourtant, j'ai envie de rester, envie de continuer. J'ai envie d'avoir ma classe, d'être une bonne instit'. Alors je bosse, je bosse, je bosse, je bosse. Je travaille, je travaille, je travaille. Je me lève tôt, je vais à l'IUFM. Au CRDP parfois, histoire de renouveler mon stock de bouquins. Je me lève tôt, je vais à l'IUFM, je me couche tard. Rebelote le lendemain. Le week-end, même refrain, je me lève tôt, je travaille, je travaille, je travaille et je me couche tard. Pas le temps de faire autre chose. Encore moins de penser à autre chose. Je suis sur les rails. Mon train est lancé à toute vitesse. Je ne peux pas m'arrêter. Je ne m'arrêterai pas.