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(13) Une grille dans la prunelle

Publié le 21 octobre 2010 par Luisagallerini
(13) Une grille dans la prunelle

Je m'éveillai percluse de courbatures. La journée d'hier, aussi éprouvante fût-elle, justifiait-t-elle une telle fatigue ? J'aurais certainement pensé que je n'avais pas fermé l'œil de la nuit s'il ne m'était resté en mémoire des bribes de rêve et la sensation, oppressante, d'une paralysie absolue : j'avais passé la nuit emmaillotée dans un enchevêtrement de bandelettes comprimant mes chairs. Il me fut aisé d'interpréter cette image qui reflétait manifestement mon incapacité à soustraire les momies que nous avions déterrées à leur lugubre avenir. Toutefois, quelque chose d'autre dans ce rêve, quelque chose que je ne parvenais pas à identifier, rejoignait la réalité. Mon corps douloureux en témoignait sans ambages.

(13) Une grille dans la prunelle

Lorsque je descendis déjeuner dans la grande salle, déserte à l'exception d'un couple d'anglais et d'une famille de français, il était presque neuf heures. Je m'assis à une petite table isolée et commandai des fruits, du pain et un grand café crème. Une brise légère retroussait le feuillage des palmiers qui découpait un ciel tâché de nuages. Le serveur dépêché à mon service me sourit poliment à diverses reprises. Néanmoins, qu'il lût la tristesse ou l'épuisement sur mon visage, il s'empressa de disposer les plats puis s'en retourna, embarrassé. Mon teint était-il si pâle, ma détresse, contagieuse, pour qu'il réagît ainsi ? En faisant le deuil de mes amis perdus, j'observai le soleil, au loin, ronger la montagne pour se hisser dans les cieux. Je n'étais pas mécontente d'être seule.

(13) Une grille dans la prunelle

Je décidai, en milieu de matinée, de faire une courte promenade en suivant les allées extérieures que gardait une imposante armée de sycomores et de dattiers. Mais à peine m'étais-je engagée dans l'allée principale que le maître d'hôtel me rejoignit. Invoquant la douceur du soleil hivernal, il m'invita à prendre un thé en terrasse. Confortablement installée à l'ombre d'un arbre, j'acceptai avec bonheur les journaux français tout juste reçus qu'il m'apporta sur-le-champ. Même s'ils dataient de plusieurs semaines, toute nouvelle de France, quelle qu'elle fût, restait précieuse. Je feuilletais l'une des publications lorsque j'aperçus, dans sa prunelle noire et brillante, la grille de l'hôtel qui s'ouvrait. Je fis volte face. Les traîtres, chargés comme des ânes, transportaient les pièces que nous avions exhumées et d'autres que je ne connaissais pas, parmi lesquelles je remarquai un somptueux sarcophage doré à l'or fin.

Affolé, le maître d'hôtel se réfugia derrière le comptoir. Je restai seule et désemparée, les yeux rivés sur les trafiquants qui n'avaient pas encore relevé ma présence. Peut-être aurais-je dû me cacher à ce moment-là, mais aurais-je pu faire confiance au maître d'hôtel ? Il n'y avait aucune raison pour qu'il m'accordât une quelconque faveur. Tétanisée, luttant contre la désagréable sensation de revivre mon rêve, j'attendis. Guy m'aperçut en premier.

(13) Une grille dans la prunelle
Une phrase me revint à l'esprit : " Et comment allez-vous vous débarrasser d'elle ? ". Suite au prochain épisode !

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