Sueurs Froides

Publié le 25 octobre 2010 par Sophiel

La femme marche d’un pas rapide.

Ses talons claquent sur le bitume, secs, rapprochés.

Elle ne court pas. Elle aurait bien voulu mais ne porte pas les chaussures adéquates.

La rue est calme, quelques voitures circulent, des passants à la démarche usée la croisent, tête basse, sans même la voir.

Elle regarde sa montre, dans l’espoir que le temps se soit suspendu. Non, le temps suit son chemin, lui signifiant qu’il est bien trop tard pour rentrer du bureau.

Apercevant la bouche du RER, elle accélère le pas, pressée de s’y engouffrer, rejetant au loin les sombres visions que l’obscurité de ce trou béant lui inspire.

Elle tient son sac serré contre elle, son billet à la main, prête à le glisser dans la machine qui lui ouvrira les portes du souterrain.

Elle hésite un instant. Elle aurait dû prendre un taxi…Elle se tourne vers l’escalier qui la ramènerait vers la lumière réconfortante des lampadaires…

Pourtant, elle se raisonne, elle n’a plus les moyens d’un tel luxe.

Résignée, elle fait glisser son billet dans l’appareil qui l’avale, pousse le tourniquet et pénètre dans le couloir interminable qui la mènera sur le quai.

Elle regarde devant elle : Personne.

Elle se retourne : Personne.

Elle est seule.

Elle cherche machinalement son portable dans la poche de son imperméable, elle le sort.

Pas de réseau.

Elle le range, gardant le pouce posé sur la touche « Appel d’urgence ». Elle se souvient que c’est précisément pour cette raison qu’elle a choisi ce modèle.

Elle marche de plus en plus vite.

Ses pieds la font souffrir, ses orteils cognent contre le bout de ses escarpins.

Pourquoi les a-t-elle mis justement aujourd’hui alors qu’elle savait qu’elle rentrerait tard ?

Sa respiration se fait haletante, elle ouvre la bouche pour aspirer plus d’oxygène. Elle a chaud, elle veut retirer son imperméable mais s’en abstient. Dessous, elle porte cet ensemble printanier que Nicolas aime tant. Encore une erreur ! Elle aurait dû mettre un pantalon.

Elle s’essuie le front de ses mains devenues moites.

Elle ne s’entend plus respirer, son cœur martèle sa poitrine de battements lourds et puissants, ses oreilles bourdonnent de ses coups assourdissants.

Elle accélère encore, s’efforce de le calmer en songeant à des sujets plus distrayants.

Alors qu’il commence lentement à s’apaiser, elle perçoit des bruits de pas derrière elle. Il repart de plus belle, frappant contre ses tempes !

Elle s’humecte les lèvres, sa gorge est sèche, sans salive.

Elle force encore l’allure, les pas qui la suivent aussi.

Elle ne veut pas regarder, si elle le fait, elle est perdue. Elle écoute le son des pas dans son dos, essayant de compter combien ils sont. Impossible de se concentrer, trop de bruits parasites.

Elle n’arrivera jamais au bout de ce couloir, elle le sait, elle l’a rêvé. Elle a fait en sorte d’y échapper, jusqu’à aujourd’hui. Maintenant, elle y est, il est inutile de s’enfuir, personne ne viendra l’aider, elle sait ce qu’elle va subir…

Tremblante, essoufflée, elle ralentit quand elle se souvient de son pouce sur la touche de son portable, elle s’apprête à l’enfoncer lorsqu’une sonnerie caractéristique se fait entendre : Plus de batterie !

Derrière elle, les pas ralentissent. Son cœur bat encore plus fort, elle prie qu’il s’arrête brutalement pour faire taire cette torture.

Soudain, elle stoppe : Qu’on en finisse !

Silence.

Elle n’entend que le silence.

Tout doucement, elle tourne la tête, puis le reste de son corps : Personne. Elle est seule.

Elle repart, hésitante. Les pas derrière elle aussi. Elle se retourne. Personne !

Elle repart, les pas résonnent au même rythme que les siens.

C’est alors que ses yeux se fixent sur ses chaussures.

Elle en a les jambes coupées de soulagement.

Elle a compris.

NB de l’auteur :

Heureusement qu'avec les grèves, ce genre de frayeur ne risque pas de se produire...