Cela faisait fort longtemps que je n’avais pas repensé au mal-être diffus que je ressentais en quasi permanence il y a quelques années. Simplement parce que j’ai évolué – une évolution en mosaïque, pour reprendre le vocabulaire de la génétique : évolution puis régression et vice versa. On ne change pas du jour au lendemain, mais doucement, pas à pas, sans presque s’en apercevoir. A posteriori, on réalise le chemin parcouru, mais sans se replonger dans les sentiments que l’on éprouvait auparavant.
Quelque chose dans ma vie m’y a fait repenser, cela dit – ou disons quelqu'un. Et cela m’a permis de m’apercevoir que je n’avais pas tant écrit là-dessus. Au jour le jour, un peu, mais en minimisant – pour ne pas effrayer ou repousser mes lecteurs, pour ne pas me terroriser moi-même. Et sans le recul nécessaire pour généraliser… Si je ressens maintenant le besoin de témoigner, c’est que j’ai aussi réalisé que non seulement je ne suis pas la seule terrienne à être passée par là, mais qu’en plus tout le monde n’en sort pas aussi facilement que je l’ai fait.
Je n’ai jamais été dépressive. Je le précise, car je sais qu’il est dans l’air du temps d’appeler dépression toute période de déprime. Simplement, j’ai une nature peut-être un peu fragile par certains aspects. Rêveuse, idéaliste et exigeante. Trop rêveuse, trop idéaliste, trop exigeante. Ce sont aussi, pour moi, mes plus belles qualités, la source de ma force. Vous savez ce qu’on dit, la médaille et son revers…
Pendant longtemps, je n’ai pas su gérer ces trop. Avec le recul, je pense que c’est simplement parce que je ne savais pas les comprendre. Je crois sincèrement que poser des mots sur ce qu’on ressent est une étape primordiale pour avancer – ça ne fait peut-être pas changer les attitudes et les ressentis du jour au lendemain, mais au moins l’on se sent moins perdu et l’on sait quelle direction prendre.
Comment cela se traduisait-il dans ma vie de tous les jours ? Par une angoisse permanente – notamment le stress scolaire et ma peur du fameux regard des autres. Par cette impression d’avoir tout pour être heureuse sans pour autant y parvenir. Et sans savoir ce qui n’allait pas chez moi.
Encore maintenant, j’écris ça de façon scientifique et rationnelle, j’ai l’air d’une analyste objective. Ca ne veut pas dire que je n’ai pas la gorge nouée en y repensant… J’ai eu des moments de déprime noire, de colère noire, de désespoir et de révolte forcenés. Le moindre petit truc qui allait de travers – une remarque d’un prof, mon frère qui me piquait la télé – pouvait déclencher des réactions démesurées. Et souvent je me sentais vide, tout simplement.
Et maintenant, ma vie est-elle parfaite ? Non. J’ai des rechutes, régulièrement. Des coups de blues, des sursauts d’angoisse existentielle. Mais ça va mieux. J’ai trouvé des passions qui me sauvent, j’ai appris à me confier aux personnes que j’aime. Et à relativiser.
Je crois que ce qui m’a permis de ne jamais toucher le fond, et finalement de garder la tête hors de l’eau, c’est l’espoir qui ne m’a jamais quittée. Le bon côté de mon imagination, de mon idéalisme, de mon exigence : j’ai toujours su, ou du moins pressenti, que quelque chose de meilleur existait quelque part et qu’il ne tenait qu’à moi d’y accéder. Ce qui facilite pas mal les choses…
Et si je n’avais qu’une seule phrase pour rassurer ceux qui traversent quelque chose de similaire, ce serait : quelles que soient les difficultés, l’amélioration est toujours possible, plus proche que vous ne le croyez, et il ne tient qu’à vous d’être le changement que vous voulez voir dans votre vie*.
* Inspiré de la citation de Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. »